Si j’avais dû voter aux élections législatives françaises dont le premier tour a eu lieu hier, aurais-je accordé ma voix au candidat du Nouveau Front Populaire dans ma circonscription ? Peut-être. Mais l’aurais-je fait par adhésion ou par défaut, juste pour faire barrage au Rassemblement National, en bon citoyen lambda piégé par les calculs de Macron ?
Ce qui est sûr, c’est que le programme de ce front a peut-être un caractère social plus marqué que ceux des concurrents, mais qu’il n’est pas à la hauteur du défi antiraciste et anticolonialiste que la France doit affronter.
L’antiracisme et l’anticolonialisme ne font pas recette en France, sinon auprès d’une minorité éclairée qui n’a pas les moyens médiatiques de se faire entendre. Ce sont d’ailleurs des positions qui ont été déclarées ennemis publics de la Nation et c’est contre eux que l’alerte générale a été lancée par les médias les plus influents à l’heure même où c’est pourtant l’extrême-droite, constituée en épouvantail depuis la fin de la seconde guerre mondiale, qui est aux portes du pouvoir.
La synthèse de la haine raciste et islamophobe et de la haine post-coloniale réactivée par l’actualité de la question palestinienne (mais aussi de la question kanake) a produit sur commande une reconfiguration éclair du champ des « valeurs » républicaines qui ne résonne plus que des échos de la chasse hystérique à l’antisémitisme derrière tout discours dénonçant le génocide commis par Israël à Gaza.
Le soutien inconditionnel à Israël a de ce fait été promu enjeu central de politique intérieure, légitimé par un consensus national qui le rend compatible avec les projets racistes et islamophobes du RN et des partisans de Macron.
Ce consensus prend les proportions d’un conditionnement agressif à sens unique infligé aux électeurs au point que le scrutin se déroule dans des conditions qui sont à la limite de la régularité, sans que personne ne paraisse s’en inquiéter.
C’est d’ailleurs un consensus qui s’étend à un grand nombre des composantes, organiques et individuelles, du Nouveau Front Populaire lui-même. Les sympathies pour la cause palestinienne et la dénonciation des législations islamophobes qui se sont accumulées pendant les deux mandats de Macron ne constituent la préoccupation que d’un noyau dur de candidats investis par la France Insoumise que la scission amorcée au sein de ce mouvement par François Ruffin mais aussi par des candidatures dissidentes et des attaques fratricides contre Mélenchon vise à mettre en minorité. Chez les autres partenaires du Front, de telles positions ne suscitent qu’indifférence lorsqu’elles ne font pas l’objet de critiques acerbes.
C’est dire que le Nouveau Front Populaire est un assemblage aussi disparate et composite que son ancêtre éponyme du siècle dernier et qu’il est l’héritier, jusques et y compris au sein de LFI, de toutes les ambigüités qui étaient les siennes à propos de la question coloniale, redevenue d’une brûlante actualité alors même que le pays avait suffisamment à faire avec ses casseroles post-coloniales.
Si j’avais dû voter, je l’aurais donc fait sans trop d'illusions.