« Le FMI a conclu avec la Tunisie un accord de principe pour un programme sur quatre ans d’un montant de 2,8 milliards de dollars au titre du Mécanisme Élargi de Crédit » titre un communiqué de presse, en date du 15 avril, de la prestigieuse Institution issue des Accords de Bretton Woods de 1944.
En fait, La Tunisie envisage de contracter d’autres emprunts auprès de la Banque mondiale mais aussi auprès de l’Union européenne, sans oublier la BAD et même la BID (Banque interaméricaine de développement). Bref, il semblerait que les besoins de la Tunisie dans les 5 années à venir dépassent les 7 milliards de dollars et nos capacités de financement sont loin de les satisfaire.
« (…) Il ne faut pas diaboliser la dette », disait récemment Monsieur Chadly Ayari, Gouverneur de la BCT, lors d’une conférence de presse. Sa déclaration visait en fait à préparer l’opinion publique à cette déferlante d’emprunts qu’il envisageait d’entreprendre. C’est là quand peut déceler le message politique de cet homme de pouvoir, depuis 60 ans.
En réalité, l’essentiel de ces emprunts va servir à rembourser les emprunts précédents. A partir de l’année prochaine en effet, le loyer de la dette (les intérêts) dépasse le remboursement du principal. En clair, on s’endette pour payer nos dettes.
1/ Quelques ratios de la dette publique
La dette publique et les recettes fiscales (en milliards de dinars courants)
Ainsi, fin 2015, la dette publique et privée représente environ 54 % du produit intérieur brut (PIB) contre 40,7 % en 2010. La dette publique concentre à elle seule 85 % de la dette globale ; rapportée au PIB, le taux d’endettement baisse pour atteindre seulement 46 %. En revanche, le ratio exprimant le rapport du volume de la dette aux recettes fiscales s’avère inquiétant ; en effet, il est de l’ordre de 182 %. Autrement dit, il faut doubler les recettes fiscales pour tomber à des niveaux d’endettement acceptables. D’où l’urgence d’une véritable réforme du système fiscal, particulièrement les régimes forfaitaires (avocats, médecins,…) et la lutte contre l’économie informelle. Celle-ci pourrait représenter selon certains rapports du FMI plus de 30 % du PIB ; le manque à gagner pour l’Etat en termes de cotisations sociales et d’impôts directs et indirects avoisine les 12 milliards de dinars, soit près de 40% du budget de l’Etat.
Par ailleurs, La part de la dette d’origine extérieure dans le total de la dette globale est d’environ 65 %. L’essentiel de celle-ci (60 %) est libellé en euros. La dépréciation du dinar ne fait donc qu’aggraver davantage la situation de l’endettement du pays vis-à-vis de l’extérieur.
2/ Evolution de la dette et ses conséquences : L’origine de la révolution
Évolution de la dette tunisienne de 1991 à 2015
Source : http://data.lesechos.fr/pays-indicateur/tunisie/dette-publique.html
Aussi, l’évolution de la dette tunisienne entre 1991 et 2015 montre que les autorités tunisiennes ont cherché, dans le passé, à réduire leur endettement. Mais à quel prix ? En 1996, le taux d’endettement par rapport au PIB avait atteint le seuil de 70 % ; 14 ans après cette proportion n’était que de 40,7 %. Les politiques d’austérités (budgétaire, monétaire salariale), les privatisations des entreprises publiques et l’externalisation de certaines activités jadis assurées par l’État, n’ont fait qu’aggraver la pauvreté, le chômage et le délabrement des institutions étatiques (l’Éducation nationales, la recherche, les équipements, etc.).
La Révolution tunisienne trouve donc fondamentalement son origine dans les politiques économiques ultralibérales mises en œuvre entre 1996 et 2010. Cette orientation était une exigence du processus de Barcelone (Accord de libre-échange euro-méditerranéen, signé en novembre 1995). Des politiques ultralibérales imposées par la force et la tyrannie.
Si les emprunts contractés ne justifient pas un investissement rentable à moyen et long terme le risque d’une situation de surendettement est réel, dans le cas tunisien. En effet, la Tunisie se trouve exposée à l’opinion des agences de notation et les emprunteurs exigent des primes de risque plus élevées. Le FMI et la Banque mondiale exigent depuis 2012 de la Tunisie des contreparties politiques : davantage de privatisation des entreprises et banques publiques et de déréglementation de certains secteurs d’activité, en échange de prêts.