Certaines mesures prises récemment par le Ministre du commerce, monsieur Mohsen Hassen, pourraient être dangereuses pour ne pas dire néfastes pour l’avenir proche de l’économie tunisienne.
Je souhaite ici revenir sur seulement deux mesures assez préoccupantes, à savoir : la déréglementation pour encourager la multiplication des Grandes surfaces et l’importation massive de 5000 voitures à faibles puissances fiscales destinées à la classe populaire. Je ne m’attarderai donc pas sur les pourparlers à propos de l’ALECA. Les autorités tunisiennes connaissent ma profonde désapprobation à ce projet. Pour plus d’analyse je renvoie les lecteurs à mes nombreuses contributions en la matière.
1/ La multiplication des Grandes surfaces : Le risque de créer des situations d’oligopsone
Monsieur Mohsen Hassen multiplie les conférences et les apparitions télévisées en s’efforçant à expliquer le bien-fondé de ses choix économiques. Il considère que la multiplication des Grandes surfaces sur le territoire tunisien, surtout dans les régions déshéritées, est de nature à résorber une partie des chômeurs et par la même améliorer le pouvoir d’achat de nos concitoyens. En fait, Il oublie au passage que :
- le pouvoir d'achat dans ces régions est déjà d'une faiblesse extrême,
- les grandes surfaces sont une réelle menace pour les petits commerces; leur disparition prochaine est quasi-certaine. Le désert du commerce de proximité en France, à titre d’exemple, en est l’illustration. L’Hexagone est en train déjà de revoir sa réglementation en la matière.
- la valeur ajoutée dans ce type de secteur est très faible, - l'apport en technologie de ce type d’activité est très médiocre,
- la création des centrales d'achat va affaiblir sérieusement nos producteurs. En effet, ces grandes surfaces vont sans doute chercher à se regrouper pour assurer leur approvisionnement dans des conditions optimales : De facto, la concurrence recherchée déboucherait sur une situation d'oligopsone c’est-à-dire un très grand nombre de producteurs face à un petit nombre d’acheteurs.
2/ L’importation de 5000 voitures : Une mesure qui aggrave le déficit de la balance des transactions courantes
Une telle mesure est un acte insensé qui va fragiliser davantage nos équilibres financiers et surtout nos réserves en devises. A vrai dire, il s’agit d’une aubaine pour l'industrie automobile des pays exportateurs et nos Hommes d’affaires. Le coût d'une telle opération est d'environ 65 millions d'euros soit 143 millions de dinars. Cette somme aurait dû être mobilisée pour la modernisation partielle de notre parc de transport en commun et la promotion des projets importateurs de technologie.
* Dr. Ezzeddine Ben Hamida, Professeur de sciences économiques et sociales (Grenoble)