A Tunis, Monsieur Patrice Bergamini, ambassadeur de l’Union européenne (UE), ne chôme pas ! Fougueux, il passe ses journées à sauter, comme un cabri, d’un plateau à l’autre pour vanter les avantages pour la Tunisie d’un Accord de libre échange complet et approfondi (ALECA) avec l’UE. Dans ses prestations, on peut même déceler par moment un brin d’humanité, d’accessibilité, mais son trait d’arrogant prend très souvent le dessus.
1/ Des affairistes sulfureux
Encouragé sans doute par la docilité et la vénalité des dirigeants et d’une minorité oligarchique, suffisamment bien organisée et agissante, d’« affairistes » tunisiens. L’affairiste en question est un ″homme d’affaires″, pas un entrepreneur créatif au sens de Max Weber ou encore Schumpeter : « Il tient sa richesse, disait Samir Amin, de ses relations avec le pouvoir en place et les maîtres étrangers du système (…). Il opère comme un intermédiaire, fort bien rémunéré, qui bénéficie d’une véritable rente politique dont il tire l’essentiel de la richesse qu’il accumule. »
Les entrepreneurs tunisiens dans leur quasi-majorité sont des entrepreneurs créatifs et patriotes ; ils subissent d’ailleurs, en silence, les agissements de cette oligarchie proche du pouvoir. Aussi, ils sont hostiles à toute forme de libre-échange avec l’UE. Les conséquences de l’Accord de 1995 ont été désastreuses : fermeture de plus de 10.000 entreprises industrielles en à peine 12 ans ; augmentation de plus de 300.000 chômeurs, etc.
Monsieur Bergamini a les mains libres en Tunisie ; aujourd’hui, il cherche à accélérer les négociations sur le dossier agricole : « Au moment de l’ouverture des frontières pour le secteur agricole, les agriculteurs tunisiens vont bénéficier de plus de 500 millions de consommateurs européens. Une véritable aubaine pour la Tunisie. », martèle-t-il.
2/ le secteur agricole tunisien est encore de type traditionnel
Pourtant, comparé aux grandes exploitations européennes, les agriculteurs tunisiens comptent pour des prunes ! Ils vont très vite être écrasés et ils finiront, à coup sûr, comme simples ouvriers dans les grandes firmes agroalimentaires européennes. L’UE est la première puissance exportatrice des produits agricoles dans le monde : En 2015, elle a exporté en effet pour 585 milliards de dollars, loin, très loin, devant les Etats-Unis, deuxième, qui ont enregistré seulement 163 milliards de dollars. Le Brésil (80 Mds $), la chine (73 Mds $) et le Canada (63 Mds $) occupent respectivement la troisième, la quatrième et la cinquième place.
3/ La PAC : Un exemple du protectionnisme
L’UE a réussi à se hisser en tête du peloton grâce à sa fameuse et controversée « Politique agricole commune » (la PAC). Celle-ci a été définie dès 1957 par le traité de Rome de 1957. Et elle est mise en œuvre en 1962. Ses objectifs sont :
- Améliorer la productivité des agriculteurs européens et leur garantir un niveau de vie équitable en regard de celui du reste de la population,
- Stabiliser les cours,
- Assurer l’autosuffisance alimentaire de la CEE et fixer un niveau raisonnable des prix pour les consommateurs.
Pour atteindre ces objectifs :
- Le niveau des prix de nombreux produits agricoles sont garantis aux producteurs.
- Les débouchés de la production sont assurés : les surplus sont acquis par la Communauté, qui fiance leur stockage.
- Les destructions des récoltes en cas de surproductions sont indemnisées.
Dans le cadre de la PAC les agriculteurs bénéficient de la préférence communautaire, c’est-à-dire une protection du marché intérieur européen destinée à inciter les Etats membres de la CEE à s’approvisionner au sein de la zone plutôt qu’à l’extérieur : les prix garantis aux producteurs sont supérieurs aux prix mondiaux.
Pour dissuader les acheteurs de produits agricoles de s’approvisionner à l’étranger, un prélèvement (une taxe) équivaut à un tarif douanier est appliqué aux importations de produits agricoles ; en revanche, pour permettre aux importateurs d’exporter, ceux-ci bénéficient d’une restitution, qui équivaut à une subvention à l’exportation, destinée à aligner les prix européens sur les prix mondiaux sans abaisser les revenus des producteurs.
Certes, depuis les années 1980, la protection dont bénéficie l’agriculteur Européen s’est légèrement réduite, mais néanmoins l’agriculture européenne demeure fortement subventionnée.
En conclusion et près ce bref exposé sur les principales caractéristiques de la PAC, il nous semble difficile de continuer à négocier sur ce chapitre avec l’UE sauf si la loi de marché serait applicable que pour les faibles ?