L’Homme pressé

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Un journal accroché à la main, une cigarette pendant au bout des lèvres et un café brûlant à portée de soi, on vrille les regards et on défie l’opinion publique ; c’est l’homme pressé qui pointe son arme tranchante à bout portant comme un rude animal dans sa tanière. Comme l’a figuré si bien Le récent regretté Umberto Eco : « L’homme est le parfait animal qui grogne, il rit car il sait qu’il doit mourir. »La mort veille partout, submergeant les êtres humains de sa substance énigmatique et ouvrant les vannes de la désespérance sur les limbes étendues de l’immensité humaine.

On a moins peur de vieillir que de mourir. La mort, on n’y échappe pas, elle distille son liquide vaporeux dans nos veines bleutées par un écrasant destin..Alors que la vieillesse, on en réchappe le plus longtemps possible, par crainte qu’elle nous engloutisse comme une onctueuse couleuvre. Mais elle finit par nous rattraper et nous avaler goulûment.

On a peur de vieillir, parce qu’on a peur d’être défiguré , de perdre la face, de ravaler sa salive en voyant son visage décrépit et son corps dépérir ; car on rétrécit comme une peau de chagrin, au fur et à mesure que le temps l’emporte sur l’espace et devance la physique cantique. L’homme est fait de matière, il émane de la terre et retourne à la terre, redevenant un grain, un méandre, une folie de la création éternelle. Toutes ces questions m’intriguent et me soulèvent le cœur, elles demeurent inconsistantes, sans répondant !

Pourquoi se creuser les méninges, alors que tout est à portée de main, se tirer une balle dans la tête, revenir à l’état primate des mammifères ou sillonner le monde à la recherche d’une vérité absolue, perdue ?Trêve d’illusions, l’homme pressé parcourt son journal, aspire sa cigarette, rêvasse sur les ronds de fumée et avale d’un seul trait son insoutenable tasse de café.

Il revient à sa réalité, scrute les titres des nouvelles et capte les événements majeurs. Il est hilare, à la fois déconcerté et décontenancé, d’apprendre que l’Europe des barbelés ferme la route des Balkans aux migrants : de la Macédoine à L’Autriche, les Murs bloquent les frontières, mais n’arrêteront pas certainement l’Exode. Et de lire le superflu, qui règne de partout, c’est dans l’air du temps : un Bling-Bling : des toilettes superluxueuses et onéreuses ont été construites uniquement pour la visite de la princesse thaïlandaise au lac Yeaklom, au Cambodge, elles n’ont finalement pas servi et ont été démontées.

L’homme pressé racle la gorge et se gratte la tête, le cheveu rare..Quelle solution à cette masse qui se rue vers un occident puissant et aisé pour jouir d’un confort de vie décente et meilleure ? Ce véritable raz de marée demeure sans remède, inéluctable, inexorable, on fuit vers l’ailleurs pour vivre mieux mais on se heurte à un mur de refus hostile et infranchissable. Et on finit par le pire, se tourner le vivre misérable et le mal être..

L’Homme pressé pousse un cri rauque, un souffle frémissant comme un coup de vent, il sent son cœur s’étouffer comme sous une lancée de lourdes pierres. L’effet de charge est lourd, il n’est pas dû à la nature. Une autre nouvelle attire son attention, écrite noir sur blanc sur le journal maintenant étalé sur ses jambes tremblantes. Le président américain, Barak Obama, qui promet depuis belle lurette-2008- de fermer la prison de Guantanamo, a présenté un plan dont devra se saisir le Congrès républicain. La Maison Blanche envisage de transférer les quatre-vingt onze détenus restants vers treize sites américains.

Heureuse initiative, bonne nouvelle, L’Homme pressé pousse un grognement strident et sombre dans un profond et interminable sommeil. La journée est terminée, elle est plus courte que celle de Mrs Dalloway et moins intense que la vie de Virginia Wolf, qui a rempli son sac de minces pierres et s’est laissé couler dans l’ultime rivière…

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