Pourquoi évoquer ces deux sites et endroits idylliques, féériques, si différents et en même temps si proches et gémellaires sous certains aspects ?
Tout d’abord, parce que j’ai eu l’heureuse surprise de découvrir la merveilleuse ville aux rues montantes et escarpées de Zaghouan, lors d’un séjour thermal et de revisiter, pour les besoins d’une scène de tournage d’un documentaire de fiction, lors d’une matinée radieuse d’Octobre, les immuables et enchanteurs thermes d’Antonin !
Carthage est proche de mon lieu d’habitation, j’ai suivi toute une rangée d’aqueducs pour m’acclimater à Zaghouan, semblable en plusieurs points, à Belgrade, capitale de la Serbie, où j’ai passé les fêtes de fin d’année il y ajuste trois ans. Carthage est silencieuse et immuable, Zaghouan est animée et grouillante de monde et d’échoppes. Un trop-plein de vie qui relie le passé figé au présent incommensurable.
Dans le répertoire historico-archéologique, les thermes d’Antonin se situèrent en importance derrière ceux de Caracalla et de Dioclétien. Détruits par les vandales, il n’en subsiste aujourd’hui que la partie inférieure et les sous-sols, mais cela donne un aperçu de l’ampleur de la construction. Etendus sur prés de quatre hectares, ces vestiges se dressent encore en bordure de mer, dans l’axe d’une des grandes artères de la ville romaine. Si je les aime tant, c’est parce que leur liminal –ou limites finales-donne sur la grande bleue, l’immensité de la mer qui fait face au Djebel Boukornine-et par le dessein et traçage ciselé de leurs vasques, bassins et piscines « impériales » où s’ébattaient de ravissantes personnes…
Aussi, les thermes romains d’Antonin furent parmi les plus remarquables des thermes impériaux en raison de l’incroyable richesse des décorations, mais aussi pour leurs dimensions colossales. Alors qu’accrochée au flanc du Djebel Zaghouan, la ville fut érigée sur l’antique cité romaine Ziqua, dont il ne reste comme vestige que la monumentale porte d’entrée. Réputée pour son grand air montagnard, ses sources d’eau pure et ses richesses naturelles, Zaghouan dispose d’une imposante généalogie multiculturelle…
Berbère à l’origine, punique puis romaine, elle fut, après la conquête islamique, un important centre de culture et de spiritualité. Les Morisques chassés d’Andalousie s’installèrent dans cette agglomération majestueuse par ses remparts et ses hauteurs en 1609, comme le firent leurs concitoyens à Testour et Téboursouk. L’influence de ces différentes civilisations se retrouve dans toute la région, la route menant vers Saouef et vers Ain Jouggar-source limpide qui jaillit d’un coin de la montagne-est belle à ravir avec ses champs, ses monts et ses vaux…
La vieille ville actuelle, avec ses mosquées, ses mausolées et ses maisons à l’ancienne est encore marquée par l’empreinte architecturale andalouse. Véritables étendues agricoles, la faune et la flore sont d’une diversité et foisonnement à attendrir les écologistes les plus aguerris.
Je suis resté ébloui par la magnificence de l’édification du Temple des eaux, nymphée romain consacré au culte de l’eau ; il fut décidé par l’Empereur Hadrien au IIème siècle, autour de la source principale de la région.
Dominé par les pointes du Djebel, le monument est un bassin hémicycle, capteur d’eau, captivant à l’extrême. Je suis rentré pantois de ce pittoresque endroit, Ville d’Eau, Ville d’Art...Un millénaire de deux mille ans, qui me fait rappeler Aix-en-Provence et ses merveilleuses fontaines, statues et fondations artistiques, son cours Mirabeau et les belles années de jeunesse estudiantine.