PEGUY ou Le Goût de L’investissement Personnel.

Photo

C’était par une matinée glacée au Café Saf-Saf de La Marsa. J’étais attablé en groupe, un ami érudit intéressé aux faits et méfaits de la littérature socio-politico-psychanalytique ; universelle et engagée, m’a demandé gentiment si je pouvais faire des recherches pour retrouver les traces d’un ancien professeur de Français qui exerçait dans les années soixante au Collège Saddiki de Tunis : Monsieur Géraldi Leroy.

Il est actuellement professeur émérite de littérature moderne et contemporaine à l’Université d’Orléans .J’entamais mes recherches auprès de collègues français natifs ou ayant enseigné à Orléans…Nulle trace jusqu’à ce jour .L’ami en question m’a finalement passé ce superbe livre que Mr. Leroy avait consacré à Charles Péguy, né à Orléans en 1873.

Ce cadeau m’est tombé du ciel : sous-titré l’inclassable, ce pavé m’éblouit à sa lecture car Péguy est un auteur original, ambivalent certes, dont je raffole depuis mes années d’université, surtout son livre fétiche qu’on a étudié : « L’Argent». Son écriture se caractérise par une œuvre fortement contrastée, une écriture limpide et ciblée à toutes réactions et mouvements de son époque, un authentique poète laïcisé puis absous par la foi profonde chrétienne et un fervent patriote mort au combat d’une manière brutale et prématurée.

Se donnant corps et âme à ses engagements politiques divers ; socialistes et dreyfusards, défendant sans cesse la cause et les droits opprimés du pauvre peuple paysan Français ; optant souvent pour le militarisme politique. Certes on demeure sceptique vis-à-vis de sa position politique, doutant quant à son penchant envers « la gauche » ou « la droite » :est-il dans l’entre-deux, plutôt centriste ? Une question qui taraude nos esprits, sans jamais être tout à fait éclaircie…

Il est vrai que l’auteur de « L’Argent » énonce l’exemple d’une synthèse entre le nationalisme et le socialisme. J’ajouterais, en connivence avec cet auteur, qu’on ne peut pas nier l’attitude héroïque et patriotique de Péguy comme parade aux menaces que fait peser l’Allemagne Hitlérienne sur les valeurs fondamentales préconisées par la France. A l’instar de Camus et de Claudel-dont il partage avec le premier des convictions militantes et un milieu natal pauvre, et avec le deuxième la récupération ardente de la foi chrétienne ; Charles Péguy est l’homme des longs et grands combats. D’une manière globale, la Résistance s’appuya sur les déclarations intransigeantes de son texte : « L’Argent Suite » pour justifier un combat intraitable contre les envahisseurs de la patrie.

Le professeur Leroy estime avec raison qu’une telle divergence d’approche, procédant selon les cas à un dénigrement systématique ou à une apologie plus ou moins hagiographique, provient essentiellement d’une lecture duelle anachronique et sélective. Il est incontestable que la critique péguyste affirme la parfaite continuité moderne de sa pensée exprimée avec un brin de sagacité et d’éloquence.

Certes, Péguy oscille ostensiblement entre les contrastes réversibles et les pures vérités, affirmatives et différentielles. Entre l’athéisme de jeunesse et le christianisme de son fin de parcours, il aurait peut-être tergiversé s’il avait vécu plus longtemps. Tiraillé entre l’adhésion finale au socialisme et l’éloignement final, se balançant entre la critique de l’ordre établi et le rapprochement objectif avec les Républicains modérés au pouvoir ; entre l’éloge de la liberté de pensée et les accusations portées contre d’anciens amis qui sont devenus des adversaires confirmés, Péguy brandit haut et fort le drapeau de la liberté, de l’engagement et de l’intégrité personnelle.

Ainsi, nous sommes aux prises d’un Péguy « total » saisi dans le vif des relations complexes qu’il a entretenues avec son temps. Le sujet de ce livre met en évidence les fondamentaux d’une pensée sans pourtant en masquer les évolutions. Ceci dit, cette étude de genèse peut donner l’impression d’un discours éclaté. Il nous reviendra de tirer des conclusions personnelles à partir des données qui nous auront été fournies.

Ce faisant, sacralisant Péguy l’inclassable, indomptable et l’inégalable libre penseur mesuré et équitable, pour nous mettre à chercher, à tatillons ou à découvert, le grand professeur émérite Géraldi Leroy, auteur introuvable de ce livre sublime. Amis lecteurs et chercheurs, dénichons les coordonnées de cette perle rare.

Commentaires - تعليقات
Pas de commentaires - لا توجد تعليقات