C’est en plongeant dans les merveilleuses pages aux lignes insondables et ténébreuses du volumineux volume de la succession des quatre romans étalés sur quatre générations –recouvrant l’histoire du japon de 1912 à 1970 du testament littéraire de Yukio Mishima : La Mer de la fertilité, à cet instant unique, que j’ai dévoré la préface profonde et incisive élaborée par notre amie, l’écrivaine Marguerite Yourcenar, de l’Académie française.
Un choix judicieux, certainement propulsé par les éditeurs du Quarto Gallimard, à l’occasion de l’indéfectible estime de Yourcenar pour l’art de l’écriture et de pensée sublime de l’écrivain japonais, disparu très tôt par choix nihiliste ultime. Mais aussi parce que ces pages sont extraites d’un essai écrit par Marguerite Yourcenar et intitulé Mishima ou La Vision du vide, publié aux Editions Gallimard en 1980.
Je reviendrais plus amplement la prochaine fois sur ce mystérieux et énigmatique écrivain, dont son approche du monde et de l’univers est devenue mon grand dada, ma harpe d’ouïe…Jetons un regard introspectif sur le mode de vie et la carrière sulfureuse, étalée et résolue d’une manière irrévérencieuse, libérale et judicieuse par l’ardente grande dame de la littérature européenne et première femme à être admise à l’Académie Française en 1981, occupant le siège de l’éminent Roger Caillois.
Cette aristocrate au nom à particule : De Crayencour, est née dans un milieu social aisé et cossu, d’un père français et d’une mère belge flamande et fut élevée par des gouvernantes au château du Mont-Noir. Notons qu’elle n’a pas fait ses humanités, qu’elle avait des précepteurs à domicile et qu’elle parlait plusieurs langues anciennes et nouvelles, grâce à son érudit de père, Michel de Crayencour.
Cette éducation insolite et originale a fait d’elle une femme excentrique, cultivée et exceptionnelle, détonnant par son art d’écriture et son apprentissage de la vie par rapport à la gent féminine de son époque. Une extraordinaire et inlassable voyageuse qui a quadrillé le monde, en tirant sa philosophie de l’existence et des leçons de sagesse représentés dans la thématique de ses divers récits …Des poèmes, des essais et surtout des romans biographiques et historiques majeurs.
Traductrice, poète et critique littéraire, elle a aussi enseigné la littérature francophone dans diverses universités américaines. Exilée par choix lucide aux Etats-Unis, elle s’installe posément en 1951 dans une coquette agréable maison verdoyante : Petite plaisance, dans l’île des monts-Déserts, en compagnie de son amie et secrétaire privilégiée, Grace Frick. Jusqu’à sa disparition en 1987, elle ne quittera jamais son domaine de « création féconde féérique »,sauf pour sillonner le monde et participer à des rencontres et cérémonies importantes, d’abord avec Grace puis avec le jeune photographe dont elle s’était entichée, Jerry Wilson, où elle s’attellera à l’écriture de ses deux grands chefs-d’œuvre : « Mémoires d’Hadrien » publié en 1951, puis « L’œuvre au Noir » paru en 1968, qui lui valent plusieurs prix et consécrations, la faisant connaître internationalement.
Grande voyageuse, elle passe les dernières années de sa vie à « cultiver son jardin » et à pétrir du pain frais dans les fourneaux et les espaces verts du jardin de sa petite maison ; après avoir parcouru de long en large L’Europe et L’Asie .Elle demeure obstinément l’auteure d’une œuvre audacieuse et réfléchie, qui l’a fait évoluer dans les hautes sphères de la pensée universelle et de l’esthétique intellectuelle .Grâce lui soit rendue… !