Hommage au Professeur Emérite Khaled El Manoubi

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C’est un honneur que de faire hommage à son Professeur.

Chacun de nous a eu certainement au moins une fois dans sa vie, jusqu’à l’année de la Maitrise, un professeur se démarquant du lot. Libre d’esprit et d’une culture et ouverture du compas intellectuel sans précédent, le Professeur Khaled El Manoubi est exceptionnel à plusieurs titres :

(1) Exceptionnel, car courageux : Il publie continuellement ses œuvres intenses et profondes, souvent sélectives, même à l'encontre de ce qui est convenu d’appeler le ‘’Main-Stream’’. D’ailleurs, surqualifié en matière d’outils mathématiques, il ne les a jamais pris pour un ‘’gagne-pain’’ dans une époque où la modélisation et la quantification souvent forcée de l’Economique fut en vogue et prise pour un tremplin vers une carrière sans épines ni ennuis pour quelques-uns.


(2) Exceptionnel, car il ne s'inscrit pas dans le la reproduction in extenso du background de la connaissance humaine sans en avoir contribution et touche personnelle.


(3) Exceptionnel car innovateur : Il soumet ses productions intellectuelles aux changements des causalités entre les entités changeantes d'un système en perpétuel état de mouvement et historiquement daté. En fait, il joue le rôle de témoin oculaire de son temps présent car la Science est fondamentalement actuelle, autrement elle est caduque.


(4) Exceptionnel, car il adopte une méthode d'enseignement substituant l'apprentissage basé sur ‘’la reproduction à l'identique’’ par celui ‘’de composer avec les capacités d'abstraction de l'apprenant’’. En fait, à enseigner presqu’un quart de siècle durant, une distinction assez connue dans la littérature m’a semblé se profiler entre deux types d’enseignement. Un enseignement basé sur ‘’ l’Idéal Educatif’’, voulant dire que l’Enseignant impose sa propre compréhension de la Science à ses apprenants. Dans ce cas, excelle parmi les apprenants celui qui reproduit le plus fidèlement que possible ce que lui a dicté son instructeur. Le deuxième type d’enseignement est celui basé sur ‘’ l’Idéal Moral’’, voulant dire que l’enseignant propose des combinaisons abstraites à ses apprenant ; et excelle celui qui en fait d’autres et que l’instructeur n’a pu faire. D’ailleurs, c’est seulement dans ce cas que l’élève pourrait dépasser le maitre et la Science pourrait ne pas régresser. En délimitant les frontières d'un objet, on les a déjà dépassées… Or, dépasser le Professeur Khaled Manoubi dans sa rigueur, sa perspicacité, sa vivacité d’esprit et sa maîtrise surprenante de son domaine de spécialité, requiert deux vies d'un étudiant abstrait moyen de notre génération.


(5) Exceptionnel, car il ne laisse pas l'étudiant indifférent à l’égard des différents types d'aliénation pris pour embûches méthodologiques dont plusieurs personnes étaient et sont entachées. Il le défi pour choisir entre la position de ‘’l’aliénation-résignation’’ et celle de ‘’l’aliénation-transformation du monde’’. La deuxième est à même de transformer l’individu d’un acteur passif contemplateur, indiffèrent, opportuniste, marchant sur les pointes des pieds, à un citoyen impliqué dans son environnement et preneur d’initiatives. Quel gâchis que de voir des institutions reproduire le statuquo, aplatir la réflexion et ridiculiser l'être social en le réduisant à un pseudo acteur, inféodé à une hiérarchie aliénante et défendant la survie de son prédateur…


(6) Exceptionnel, car chez lui aller fouiller dans les lectures de première main est une condition minimale pour témoigner de l’état de l’art de la littérature.


(7) Exceptionnel, car ses prédictions d'il y a une trentaine d’années ont été réalisées que ce soit la destinée de la première et la deuxième guerre du Golfe, ou même avant en étant prudent à l’encontre du Crédo National de 1988 lancé par le président déchu, ou même plus récemment dans son ‘’ Bilan du premier ministre sortant’’ en ‘’vaticinant’’ trop tôt, dès novembre 2011 que son plan ‘’C’’ serait de devenir un ‘’ Leader dans l’Opposition’ !

Dans ce contexte d'épanouissement intellectuel, de réalisation de soi et de dynamique d’apprentissage, je voudrais témoigner de ce qui s’aurait passé dans nos esprit (de 1986, alors étudiants de la 4e année Planification poursuivant le son cours de ‘’Systèmes et Structures’’) si l’un des problèmes actuels s’était posé. Je citerais l’exemple du problème du terrorisme :

Puisque si Khaled nous a appris que la "nature de la méthode détermine la nature du résultat" et ‘’qu’il n’y a pas de science en dehors de la société’’ ; soit à mon avis la première étape de son œuvre construite durant les 30 dernières années dans son ‘’Précis Méthodologique’’, la première chose serait alors celle de s'interroger sur le statut épistémologique du terrorisme. Dans le contexte d’une formation économique et sociale mondiale, établi par la nécessité au capital de se mouvoir dans une base géographique mondiale, le positionnement de l'individu dans la société selon Gaston Bachelard pourrait être un outil d'analyse assez acceptable.

Dans notre cas, le terrorisme traduit par la violence, s'avère alors être l'expression d'un positionnement en dehors du cadre social donnant lieu au pittoresque de l’enfant et faisant naitre l’extrémisme et la dictature. De ce fait, le terroriste, incarnant les vérités absolutistes, est un être social aliéné (ayant perdu une partie de sa substance au profit de son objet de connaissance ayant délimité par des pièges au moment de sa construction abstraite) dont l’observation a déjà tronqué la réalité que ce soit par le fait de se limiter à son aspect formel, ou d’omettre le primat des relations sur les éléments qui la composent. De cette manière, il devient possible de dire que tout acte de violence excluant tout rapport de " médiateté" impliquant un raccourci et imposant une manière univoque d'interpréter le réel est l'expression fine du terrorisme.

Certes, des conditions objectives rendent possible l'expansion et la reproduction du terrorisme sous diverses formes. Ces conditions objectives sont articulées autour de (i) l'incapacité de ‘’l'Etat/au conditionnel’’, en tant que représentation officielle de la société, de synthétiser le Contrat Social [le conditionnel renvoie ici à la non-société composée de non-sujets réglant leur transactions par une non-monnaie], (ii) l'idéologie dominante/officielle limitant la scientificité du discours, (iii) l'attachement des rentiers à leur position initiale, et (iv) la démission de l'Elite.

Messieurs-Dames, Cher Professeur Si Khaled, merci.


(08 Mars 2016, Salle des Conférences de la Faculté de Sciences Juridiques, Economiques et de Gestion de Jendouba)

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