Sur l'identité en Tunisie: le fait de délimiter les frontières d'un objet, on les a déjà dépassées.

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Parmi les raisons ayant soldé les ''démocrates'' de l'échec est le fait d'évoquer des problèmes de manière non-contextualisée tout en étant dépourvus des instruments d'analyse appropriés. Outre une démarche péjorative et sans aucune perspective, ciblant la Ennahdha à travers l'Islam, voire le contraire, des oppositions en dehors de la sociologie moderne ont été envisagées: Laïcité Vs. Rétrogradation, Laïcité Vs. Islamisme, Progressisme Vs. Conservatisme, Modernisme Vs. Islamisme.

Des catégorisations inappropriées ont aussi été envisagées telles que ''Centre'', ''Gauche'', ‘‘Droite’’, alors que ces connotations sont historiquement datées et à contenu connu. En effet,

1. Paradoxalement, les positionnements écrits noir sur blanc, via les programmes politiques, n'ont rien à avoir avec ces catégories ainsi que leur référence idéologiques respectives. Je ne les condamne pas, mais le problème revient à ce qu'une bonne majorité de la classe intellectuelle déjà sur-politisée ont eu pour référence le contexte historique européen pour analyser celui tunisien.

2. La laïcité à l'Européenne, pour ceux qui sont intellectuellement avertis, a vu le jour en réaction de révolte contre la conduite de l'Église qui centralisait le surplus social, protégeait par le biais de l'Idéologie la classe des Nobles (fardeau de plusieurs siècles sur les conditions d'existence des serfs), exportait ses propres crises à travers les guerres et imposait sa propre Science Officielle selon laquelle ''la Terre est plate et ne tourne pas''.

On trouve le même fait stylisé de dictature chez Hitler quand il imposait aux scientifiques de démontrer la suprématie du crane germanique sur ceux des autres races, chez ZABA quand il imposait à ses économistes, juristes et sociologues de démontrer le ''progrès en Tunisie…

L'église, ainsi fonctionnellement définie, était en dehors des interactions sociales profondes rien que par le rôle (i) d'inter-médiation entre Individu et Divinité et (ii) d'assurance du pardon qu'elle jouait, gardant par là-même son hégémonie et son totalitarisme. Chez nous, les gens ne se sont jamais (au moins jusqu'à présent) révoltés contre la mosquée qui, au moins du point de vue architectural, est toujours implantée au cœur des cités, entourée des Souks et puis des habitants entourés d'un mur à quelques portails de dernier recours (Zitouna, Kairouan,..). Au contraire, tous les partis laïcs s'étaient vus se proclamer de l'Islam et de l'identité arabe durant le dernier trimestre comme s'ils n'en avaient jamais parlé.

3. Enfin, et c'est, je crois, le point le plus important, il s'agit d'une caractéristique certaine, souvent omise dans les ''thèses'' des prôneurs du progrès social confondu avec la laïcité à l'européenne: c'est que les tunisiens sont un peuple qui ne s'est jamais inscrits dans un registre d'extrémisme de tout genre (inadaptation avec les Bani-Helal, révolte contre le Bey en 1864 quand la politique fiscale fut tenue à ses extrêmes, condamnation maximale du colonialisme quand les agressions militaires eurent accélérées..Et la démonstration magistrale du 14…)

Cela est dû probablement à l'aire précoce mercantile, ou à la présence pendant des siècles d'un Islam européen (les Ottomans) donnant lieu à une société gérée par des citadins dont la stabilité sociale est une vertu inaliénable, nous assistons à un contexte social suffisamment ouvert aux autres cultures dont la principale sinon dominante est arabo-musulmane avec des frontières jusqu'à présent floues.

C'est cette indétermination des frontières qui fait que cette identité est tout simplement à sauvegarder et à ne pas remettre en cause le bien-fondé, car comme le dit Hegel:'' le fait de délimiter les frontières d'un objet, on les a déjà dépassées''. De là à l'opposer à une laïcité, elle aussi non bien comprise aussi bien par ses défenseurs que par la société concernée, je crois que c'est une manœuvre dont la conduite devrait être menée seulement par ceux réputés pour leur ''bonne conduite''.

Par ailleurs, en Europe la composante identitaire a toujours été un refuge d'une partie ou de la totalité de la population ayant une aversion pour le risque quant à leur existence dans ses dimensions les plus fines, même celles les plus manipulées d'entre elles (les États nations de Bismarck, les états italiens de Cavour, les Gaulliens, les Turcs,..) elles ont permis une consolidation du tissu social et une réalisation de l'individu au sein de son milieu ''naturel''.

In fine, poser les termes de l'identité en dehors de son processus historique comme c'était le cas en Tunisie pré-élection a été confrontée à une résistance ''indigène'' traduite par les résultats des urnes.

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