Il est quand même intéressant de noter les similitudes entre de nombreuses opinions exprimées en Tunisie, sans choquer grand monde, sur la situation des ressortissants subsahariens sur le sol tunisien et les positions du Front National français, communément considéré comme un parti sulfureux d'extrême droite, xénophobe et raciste.
Comme quoi, dans cette ère d’intensification de la mobilité des populations, phénomène qui n'épargne aucun peuple, chaque société a ses adeptes de Jean Marie Le Pen qui sommeillent douillettement à l'affût du moindre étranger en situation de précarité pour lui imputer tous les sombres desseins et malheurs du monde.
Lorsqu’un segment de la population tunisienne est considéré comme la source de tous les maux et devient une victime expiatoire, l’affaire relève du domaine du débat et des choix internes, dans une grande mesure. Mais lorsque des étrangers et en l’occurrence des ressortissants subsahariens sont accusés de toute sorte de crimes et sombres desseins, l’affaire prend nécessairement une dimension internationale tant au niveau des chartes et conventions internationales signées par la Tunisie qu’au regard des relations bilatérales avec les pays d'origine de ces ressortissants et de l’Union Africaine de même que les autres institutions internationales compétentes en matière de migration, de réfugiés et de droits de l’Homme.
Les théories du grand remplacement, de la pureté raciale et du complot éthique ont une connotation sulfureuse dans la mémoire de l'humanité. L'éventualité de leur association à la Tunisie, au grand bonheur des courants xénophobes européens les plus abjects, risque de nuire à son image de marque et à ses intérêts à l’étranger ainsi qu’à ceux de sa diaspora.
La Tunisie, ancienne Ifriqiya, terre d’accueil et carrefour de civilisations, disait-on?
Malheureusement, pour un nombre croissant de tunisiens, gare aux étrangers particulièrement s’ils sont noirs.
Circulez, rentrez chez vous, il n’y a plus rien à voir!!!
Il est grand temps de mettre en place une meilleure pédagogie gouvernementale et associative pour mettre fin à cette vague montante de xénophobie qui risque de porter un préjudice incalculable aux intérêts de la Tunisie et à sa crédibilité morale et politique sur la scène internationale.
La gestion de l’immigration illégale comprend plusieurs étapes qui commencent par les voies d'accès au territoire national. Si la voie aérienne offre des moyens de vérification du motif du séjour et des moyens d’y subvenir, la voie terrestre semble plus problématique.
Or, pour ce faire, les immigrés subsahariens, en provenance ou transitant par le Tchad, le Mali ou le Niger doivent traverser des centaines de kilomètres en Libye et en Algérie.Ainsi, outre le renforcement des contrôles aux frontières terrestres, une coopération plus accrue gagnerait à être instaurée avec les autorités libyennes et algériennes pour endiguer ce flux migratoire illégal et éviter cette atmosphère de tension qui fait craindre à tous les ressortissants subsahariens, même ceux en situation régulière, une stigmatisation administrative et populaire, exacerbée des fois par des réflexes primaires et abjects a cause de la couleur de la peau.
La Tunisie est plus grande que les pseudo-nationalistes qui se trompent de pays et d'époque. Elle n’a pas non plus vocation à servir de digue ou de muraille pour éviter à l’Europe de subir les conséquences de l'échec de sa politique post-coloniale et d’artifices d’aide au développement qui ont constitué un modèle pervers de domination, d'exploitation et d’appauvrissement des peuples africains.
Si l’Europe veut éviter d'être une terre de refuge pour les africains, ce n’est pas en compromettant la Tunisie dans une politique policière de garde-frontières qui dépasse ses moyens matériels et l’obligation de solidarité morale avec les peuples de son continent, mais en engageant un véritable plan Marshall de développement endogène et durable dans toute la région sahélienne africaine et en Afrique du nord.
Ceux qui sont si sensibles aux droits de l’homme en Ukraine en déversant sans la moindre hésitation des dizaines de milliards d’euros en aide militaire et autre devraient penser à faire de même pour ces anciennes colonies qui subissent encore les séquelles de cette colonisation et d’un échange inégal avec l’Europe en plus des aléas du réchauffement climatique.