Mohamed Salhi
Islamiste cachée, taquiya, agent dormant du “khammas”… On ne compte plus les superlatifs insultants à l'égard de Zineb El Rhazoui, qui fut, en France, un porte-voix des anti-islamistes, des laïcards et des islamophobes. Ses outrances - il y en a eu beaucoup - ont souvent été applaudis sans modération. Aujourd’hui, toute cette galaxie de la droite faussement modérée aux fachos décomplexés de France et de Navarre découvrent que dans le nom d’El Rhazoui, il y a du Ghaza, ce territoire censément peuplé “d’animaux humains” et où les “civils” ne sont pas si civils que cela (Pujadas) et où les enfants palestiniens qui meurent sous les bombes israéliens auraient une fin douce … Il faut dire que Zineb El Rhazoui s’est un peu sortie de ce cloaque anti-musulman, elle a pris ses distances. Et même si elle demeure anti-islamiste, elle ne perd pas ses repères moraux: un massacre est un massacre, un peuple sous occupation à le droit de résister… Ces choses évidentes passent pour des hérésies dans une France où le racisme se déverse sans frein sur les chaînes d’informations. Ce qu’enseigne “l’affaire El Rhazoui” 2023 est qu’un€ arabe n’entre dans le cercle de l’agrément de l'establishment que s’il tape sur les arabes et les musulmans, en l'occurrence les Palestiniens, le “Khammas”…
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Et, ce serait très apprécié s’il tape sur Jean-Luc Mélenchon et la France Insoumise pour apporter la preuve que ces “arabes”, si honnis par ailleurs dans les médias, n’aiment pas son engagement contre les massacres des Palestiniens. Il y a eu des “arabes” pour le faire - nous ne les citerons pas car ils versent vite dans la logorrhée victimaire alors même qu’’ils attaquent sans vergogne au soutien apporté aux Palestiniens pour lesquels ils ne disent pas un traître mot - mais Zineb El Rhazoui, qui n’a jamais transigé sur son soutien à la Palestine, ne joue pas. Elle inspire du respect. Tout comme la résistance de Jean-Luc Mélenchon à ce qui sera probablement inscrit dans l’histoire comme une des plus grandes cabales à l’antisémitisme lancée contre un homme politique en France.
L’absolution apportée aux antisémites et racistes avérés des héritiers de l’OAS et de Jean-Marie Le Pen en dit long sur ce qui se passe en France. Une des accusations récurrentes contre Jean-Luc Mélenchon est que son positionnement obéirait à des considérations électoralistes, celui de quêter un “vote communautaire” (en France, un seul communautarisme, celui du CRIF, est considéré comme allant de soi et légitime), celui des quartiers populaires. Si au moins, c’était vrai. Le vrai problème des arabes et des blacks de France est qu’ils sont fortement abstentionnistes. Le “racisme d’atmosphère”, rendu bien réel par un système politico-médiatique constamment braqué et en guerre contre les “français de papier”, devrait pourtant les inciter à sortir de l’abstentionnisme et à soutenir la résistance à ce processus de banalisation de l’extrême-droite qui pave le chemin de l’Elysée à Marine Le Pen. Il faut voter Mélenchon et LFI, ce sont eux les résistants à cette mauvaise pente qui est prise en France.
Sur Ghaza, dans un monde arabe soumis seuls les Houthis sont actifs
La solidarité arabe avec la Palestine, c’est un euphémisme, est faible. Sissi qui ne veut pas - pour l’instant du moins- d’un transfert des Palestiniens conserve néanmoins à l’Egypte son rôle de geôlier de Ghaza. Totalement prévisible. L’idée que Sissi, qui rempile encore pour un nouveau mandat dans une élection sans gloire, puisse sortir du cadre en ouvrant la porte de Rafah, n’était pas imaginable. Elle le demeure. Les dirigeants, militaires, de l’Egypte dont la dette extérieure est estimée à 150 milliards de dollars, sont littéralement tenus, sans marge. Désormais le régime tente de se faire une image, en interne et en externe, en monopolisant l’aide destinée à Ghaza, laquelle de toute évidence n’entre que sur décision d’Israël.
Finalement, le seul soutien arabe effectif et bien audible à la population de Ghaza vient surtout des houthis qui mènent une guérilla maritime contre Israël avec une certaine audace. Le niveau de réprobation officiel des régimes arabes à l’égard des Etats-Unis, co-auteur direct du génocide en cours à Ghaza, n’est pas loin de l’inaudible. Les colères des électeurs musulmans des Etats-Unis - dont le poids est importants dans certains États clés (Swing State) et qui ont lancé une campagne pour ne pas voter pour Joe Biden ( #AbandonBiden ) - est plus inquiétant pour l’actuelle administration américaine que les états d’âmes des dirigeants arabes.
Des opinions en Occident et… en arabistan
La même situation s’observe en Grande-Bretagne où les électeurs musulmans envoient des signaux de désaffection à l’égard du parti travailliste pour lequel ils ont tendance à voter majoritairement. Il est vrai que depuis la cabale à l’antisémitisme lancée contre l’ancien chef du Labour Party, Jeremy Corbyn, le parti travailliste est solidement tenu par les pro-israéliens. Keir Starmer, l’actuel dirigeant du labour, a poussé l'outrecuidance politique jusqu’à trouver normal qu'Israël coupe l’eau, l’électricité et la nourriture aux habitants de Ghaza. Devant les réactions ulcérées des Britanniques - et pas seulement des musulmans -, il a effectué un rétropédalage alambiqué qui ne convainc pas grand monde.
Ce qu’il faut noter est que même si la démocratie est en crise en Occident, il existe une opinion qui parvient à s’exprimer malgré un quasi-encerclement des médias ouvertement pro-israéliens. C’est ce qui fait qu’ils ont plus d’impacts que les pleurnicheries de façade des régimes arabes, lesquels empêchent d’ailleurs souvent leurs citoyens de manifester leur colère à l’encontre des régimes occidentaux partenaires du génocide. Les ambassades US de l’Atlantique au Golfe peuvent envoyer des câbles pour dire que les régimes “tiennent en main” les populations et que Génocide Joe Biden peut être tranquille. Hormis, le Yémen…
Mohamed Salhi
* Mohamed Salhi : Journaliste algérien