Il est très significatif de relever que 3 des 5 candidats en tête des intentions de vote, qui circulent confidentiellement, n'appartiennent à aucun parti (N. Karoui, K. Saied et A. Zbidi).
Etant entendu que Qalb Tounes de Karoui est une machine électorale montée de toute pièces et qui est vouée à disparaître dans les limbes à moyen terme.
C'est dire le rejet, par les Tunisiens de toute la classe politique, organisée en une multitude de partis du centre et de la gauche, désunis et divisés, privés d'idées et surtout d'âme.
Malgré la piqûre de rappel administrée lors des élections municipales de mai 2018, ces mêmes partis ne veulent pas prendre la mesure du divorce qui sépare le corps électoral de la classe politique.
Aussi, dans ce contexte de défiance généralisée, souligné par le fort taux d'absentéisme, d'élection en élection, les candidats (pour la plupart des quadragénaires et quinquagénaires à l'ego démesurément boursouflé pour certains d'entre eux) issus de partis faiblement structurés, totalement inaptes à répondre aux aspirations démocratiques et enfermés dans leur microcosme, ont la prétention jusqu'à l'imprévoyance, de briguer la fonction présidentielle.
Au lieu de commencer par jauger leur légitimité électorale à l'occasion des législatives qui se profilent, lesquelles, en l’état actuel des choses, correspondent davantage à leur profil, pour ne pas dire, potentiel politique.
Pourtant, ils savent pertinemment que le nouveau régime politique, né après le 14 janvier, est essentiellement parlementaire et que ce sont donc les législatives qui sont sa matrice.
Désespérément encalminés dans les sondages, la peur d'être confrontés à un échec humiliant dans une simple circonscription territoriale, conjuguée à la crainte de disparaître du paysage politique après une telle déroute et l'appréhension d'avoir à rendre des comptes à leurs bases pour n'avoir pas su restructurer, rénover ou refonder leurs formations durant ce mandat qui s'achève, expliquent le fait qu'ils aient tous choisi la voie facile d'une élimination sans gloire au 1er tour de l'élection présidentielle.
Mais compte tenu qu’ils fondent leur stratégie de conquête du pouvoir sur les mécanismes opaques de la démocratie médiatique, qui n’est pas avare de leurs diverses apparitions, ils considéreront leur modeste participation au contraire comme probante, quel que soit le résultat obtenu.
Afin pour les uns, de mieux négocier un portefeuille ministériel dans les futurs gouvernements de coalition qui vont être obligatoirement composés tout le long de la prochaine législature ou pour les autres de s'imposer à moindre frais comme "figure incontournable" de sa propre famille politique dans la perspective (enfin) d'une recomposition.
Oubliant que cette étiquette ne s'acquiert que par des années de combat politique et non pas, au moyen d'une participation précipitée et improvisée à l'élection présidentielle. Pis même, omettant superbement l'adage selon lequel "au premier tour, on rassemble son camp, au second, on élargit"…
A mon sens, c'est la seule explication plausible à cette profusion de candidatures résiduelles qui risque grandement de déboucher au second tour sur un probable duel entre deux candidats populistes. D'où le fait qu'ils partageront tous, le moment venu, le poids de cet échec devant l'Histoire.
J'ai donc une pensée navrée pour les nombreux militants sincères et dévoués de tous ces partis du centre et de la gauche modérée jusqu'à radicale, qui seront, à n'en pas douter, lorsqu'ils arriveront à maturité, les piliers de notre démocratie en construction.
Mais à qui il a été abondamment expliqué, avec un simplisme de cour d'école, qu'une candidature à cette élection présidentielle est justifiée pour développer la notoriété de leur mouvement dans l'optique de créer une "dynamique" pour les législatives ou pour peser davantage dans le paysage politique de demain.
A la découverte des résultats définitifs de leurs favoris, qui feront probablement état d'une confrontation entre forces anti-démocratiques, le réveil sera douloureux le lendemain du 15 septembre…