Dans l’accumulation des contentieux qui ont nourri les expressions récentes de la fracture jihadiste, allons d’abord à l’essentiel. L’origine des attentats parisiens passés et — car cela reste à craindre — à venir ne saurait être recherchée dans le fait qu’une interprétation déviante de telle ou telle des sourates coraniques se serait irrésistiblement diffusée parmi certains des musulmans de France, comme le pense Gilles Kepel, le long d’une généalogie humaine et territoriale qu’il a entrepris de retracer minutieusement.
L’origine des attentats parisiens n’est pas non plus à trouver, comme le plaide Olivier Roy, dans une crispation psycho-sociale — une sorte de “paradigme de la racaille” ou, pour reprendre sa terminologie, “des pieds nickelés”. Ce paradigme verrait des individus déchus socialement, aussi invertébrés intellectuellement que politiquement, qui seraient de surcroît radicalement coupés de l’imaginaire social et politique de leur communauté (les musulmans de France ou d’ailleurs) mus par une sorte de pathologie individuelle qu’il qualifie sans plus de précision de “nihilisme”.
Très loin de ces interprétations, je pense pour ma part que les fondements d’une telle irruption de violence se trouvent principalement dans cette sphère que Kepel et Roy, chacun à sa manière, évacuent plus ou moins complètement : celle du politique.
Le jihadisme n’est que l’expression “logique” d’un très profond et très ancien dysfonctionnement des institutions de représentation politique et d'allocation des ressources. Le dysfonctionnement de notre monde et donc pas seulement de celui de l’Autre.