Macron et "l'Orient" : l'"angle mort humaniste" ?

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Le président Emmanuel Macron s’est beaucoup impliqué, depuis son élection à la présidence, dans les dossiers liés à la Libye, le Liban, l’Irak et le conflit israélo-palestinien. Comment analyser la politique qu'il mène au Moyen-Orient d’une manière générale et plus particulièrement dans ces dossiers ?

La problématique de la relation au Moyen-Orient ou, plus largement, celle de la relation au monde musulman, ne fait pas partie de la sphère d’expérience et de vécu d’Emmanuel Macron, qui se restreint au monde de l’entreprise et de la finance.

Dans les limites de l’autonomie que lui accorde son ancrage politique de centre droit, sa stratégie me semble donc moins relever de la mise en œuvre de convictions idéologiques ou de certitudes analytiques que d’un “coup par coup” pragmatique diront ses soutiens, opportuniste diront ceux qu’il a déçus.

Son logiciel “jeuniste” peut séduire ici et là. Mais cette propension à ne vouloir connaître de l’histoire que les tranches postérieures à sa naissance peut également agacer, notamment dans un monde musulman marqué par le passé colonial.

Dans le meilleur des cas, ce “coup par coup” de la politique “orientale” de la France est donc pragmatique. Mais il peut être également platement électoraliste. C’est le cas aujourd’hui de sa réponse à la crise syrienne. Il est difficile en effet d’y identifier la trace de considérations éthiques ou celle d’une stratégie à long terme.

Une fois élu - sans doute avant tout pour affirmer sa différence avec son prédécesseur- E. Macron a infléchi profondément la lecture plus exigeante qu’il avait laissé entrevoir lorsqu’il était candidat. Je ne condamne pas le fait qu’il ait réalistement admis la stature incontournable que sa perfusion par l’armée de Poutine a conféré à Bachar al Assad.

Ce sont les “éléments de langage“ mobilisés pour justifier ce revirement qui sont tout à fait désolants : “Bachar est l’ennemi du peuple syrien… mais pas celui de la France”. Macron ne conteste pas l’horreur des crimes mais le fait que la France soit suffisamment concernée pour que leur auteur soit compté au nombre de ses ennemis !

Une autre insinuation est plus encore désolante : “ la démocratie ne se fait pas (…) à l’insu des peuples “ a cru pouvoir “expliquer” le président, sans se soucier que, en sous-entendant que la population syrienne était étrangère au soulèvement libérateur, il donnait clairement crédit à la rhétorique complotiste du dictateur.

Son insistance à jouer la vieille partition de “la protection des minorités” renoue enfin avec cette incapacité des Européens à penser universellement dans cette région l’intérêt des… ”Majorités”.

Plus fondamentalement encore, sur la problématique du terrorisme, le candidat Macron avait semblé accepter courageusement l’idée que les sociétés ciblées par une telle violence puissent avoir une part de responsabilité dans sa fabrication.

Le président Macron est en revanche revenu, notamment au Mali, à des définitions guerrières (“nous éliminerons ces gens qui ne sont… rien”) aussi populaires qu’elles sont unilatérales et parfaitement… inopérantes.
Concédons tout de même une nuance : ne fut-ce que pour se démarquer de son rival potentiel Manuel Valls, le président Macron n’a pas complètement cédé aux sirènes qui, de Marine Le Pen à Manuel Valls, enivrent la grande famille française des islamophobes de tous bords.

La relation frileuse et soumise de Macron à la droite israélienne est un terrain où sa personnalité et sa politique sont particulièrement caricaturales ou, plus exactement, particulièrement révélatrices des limites étroites de son autonomie d’action.

Celui qui est “ni de droite ni de gauche” cumule dans ce domaine les tics de l’israélophilie de gauche comme de droite ! Bien avant le révélateur ultime de l’affaire de Jérusalem, il avait démontré, en multipliant les effusions incongrues avec son “cher ami Bibi” (Netanyahu) et en étalant son incapacité totale à condamner ou seulement à identifier les pires travers de la politique israélienne, la réalité de cet “angle mort humaniste” de sa relation au Proche-Orient.

Que dire de plus si ce n’est que l’épisode de Jérusalem lève un peu plus le voile sur cette hypocrisie, française mais pas seulement, de tous ceux qui refusent de contrer les excès de Trump autrement que par l’expression de très prudentes et très “diplomatiques” réserves.

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