Pas plus que les crimes de DSK n’ont apporté la “preuve” des vices du socialisme dont il était alors le champion, ou ceux des prêtres pédophiles celle d’une perversité inhérente au dogme chrétien, ceux de Tariq Ramadan, - s’ils devaient être établis - ne sauraient le moins du monde être inscrits au débit de ses convictions politiques, que je continue à partager.
L'affaire Tariq Ramadan est bien évidemment affligeante, d’abord pour les victimes, si leurs accusations sont confirmées, et bien sûr, pour ses proches et pour ses amis. Elle l’est également parce que la nécessaire recherche de vérité sur les accusations portées contre lui est désormais mêlée pernicieusement à la tentation de discréditer le combat politique qu’il incarne.
La confusion sciemment entretenue entre les termes judiciaires, moraux et politiques du débat ne sert pourtant ni la justice ni la vérité. Pour pouvoir y répondre sereinement, il convient de les démêler. C’est à la justice qu’incombe la tâche, si difficile soit-elle, d’établir ce qu’il en est de la part d’ombre de la personnalité de Tariq Ramadan.
Pourtant, la cohorte opportuniste de ses adversaires de toujours, spécialistes de la défense de la femme… à condition que la violence vienne d’un musulman, s’autorise déjà à jubiler sur l’air de "on vous l’avait bien dit qu'il avait un double discours!" Je retrouve ici cette mauvaise foi sans limite à laquelle ils m’ont habitué.
Car le débat n’a jamais été celui-là. Il a toujours porté très exclusivement sur la question de savoir si - chez les musulmans de France ou d’ailleurs - Tariq jouait le rôle d'un agent de la radicalisation islamiste. J’ai toujours affirmé qu’il n’en était rien, bien au contraire. Et cette conviction demeure plus que jamais la mienne. Si besoin était, la preuve de son bien fondé est donnée avec éclat par l’absence chez les djihadistes francophones de la moindre trace de son influence !
Si Tariq Ramadan se retrouve demain discrédité, ce sera seulement du fait des actes qui lui sont aujourd’hui reprochés, et non du fait des causes pour lesquelles il s’est battu politiquement. Pas plus que les crimes de DSK n’ont apporté la “preuve” des vices du socialisme dont il était alors le champion, ou ceux des prêtres pédophiles la preuve d’une perversité inhérente au dogme chrétien, ceux de Tariq Ramadan, - s’ils devaient être établis - ne sauraient le moins du monde être inscrits au débit de ses convictions politiques.
Pour le reste… disons que, toute tristesse bue, mon mépris profond pour les adeptes des raccourcis manipulateurs demeure intact. Leur humanisme à géométrie variable (plus prompt à criminaliser “les violences du Hamas contre les femmes” que celles, infinies, de l’occupant israélien contre… la société toute entière) usurpe tout simplement le combat féministe au service d’un agenda sectaire.
Pour regarder l’avenir, disons enfin que, avec ou sans Tariq, ses luttes contre la liberté d’expression à deux vitesses ou contre la citoyenneté de seconde zone réservées aux croyants musulmans de France et d’Europe (les seules qui me concernent puisque je ne partage pas sa foi) demeureront plus que jamais les miennes. Et celles, je le sais, de millions … d’autres, musulmans, juifs ou chrétiens, croyants ou non croyants, hommes ou femmes.