Yémen : une femme dans la guerre

Photo

Entre adhésion et rejet de l'intervention saoudienne, la trajectoire de Tawakul Karman, membre de la direction du parti al-Islah, proche des Frères musulmans, récipiendaire en 2011 du prix Nobel de la paix, illustre de façon éloquente un volet au moins de la recomposition complexe des stratégies des acteurs de la crise.

Lorsque les Houthis ont affirmé leur pouvoir sur Sanaa en janvier 2015, chassant de la coalition au pouvoir le parti de la “première femme politique yéménite”, celle-ci, forte de la visibilité internationale conférée par son prix Nobel de la Paix, a choisi sans trop de nuances d’appeler depuis Riad “les pays sunnites” à venir “libérer le Yémen occupé par l’Iran”.

Mais quelques mois plus tard, en juin 2017, dans la foulée de l’embargo imposé au Qatar par l’Arabie (ainsi que le Bahrein, les Emirats et l’Egypte), démarche hostile à bien des égards à la mouvance des FM aux côtés desquels la diplomatie du Qatar était de longue date engagée, Tawakul Karman quitte Riad. Elle se réfugie cette fois en Turquie, dont elle a obtenu la nationalité en octobre 2012.

Aux yeux de Karman, mais sans doute également aux yeux d’un certain nombre de ses compatriotes, y compris des membres de l’Islah, les Saoudiens ont en quelque sorte “profité du coup de force des Houthis” pour en commettre un plus grave et plus dévastateur encore. Karman s’est mise alors à lancer de vibrantes attaques contre “l’agression émiratie et saoudienne contre le Yémen”.

En janvier 2018, au lendemain de l’assassinat par les Houthis (le 4 décembre 2017) d’Ali Abdallah Saleh en riposte à sa “trahison”, la coalition saoudienne, prenant conscience de la fragilité de son ancrage dans la population du pays qu’elle prétend “libérer”, s’est employée à améliorer ses liens avec les dirigeants du parti al-Islah.

De retour d'Abou Dhabi, ceux -ci ont donc entrepris de se démarquer à la fois des Frères Musulmans dont ils ont déclaré ne plus faire partie et des déclarations hostiles de certains de leurs membres à l’égard de la coalition.

Et la conséquence logique de ce resserrement des liens ne s’est pas faite attendre : le 4 février 2018, Tawakul Karman a fait l’objet d’une exclusion de son parti.

Commentaires - تعليقات
Pas de commentaires - لا توجد تعليقات