Aux sources de la passivité (ou plutôt de la compromission) occidentale au Yémen

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Inadéquation du logiciel “laïcs vs islamistes”, attrait des contrats saoudiens et "centralité" de l’agenda anti-iranien de Tel Aviv.

Malgré ses terrifiantes conséquences humanitaires, la crise qui déchire le Yémen, pays fort éloigné de la géographie et de l’histoire de l’Europe, ne mobilise que faiblement les opinions occidentales.

L’une des raisons de cette relative indifférence est sans doute que l’inusable logiciel “islamistes” contre “laïcs” au travers duquel les élites européennes aiment construire leur lecture des conflits qui déchirent la région, montre ici, plus particulièrement encore que par le passé, ses limites criantes.

La figure de “la jeune combattante kurde laïque aux cheveux longs” posant dans les ruines causées par les aviations occidentales, qui déforme grossièrement la perception de la crise irako-syrienne, n’a pas cours au Yémen. Aux “pétro-fondamentalistes” saoudiens volant au secours d’un parti islamiste (al-Islah) font face des houthistes dont le slogan, marqué par la rhétorique iranienne, est “Dieu est grand, mort à l’Amérique, mort à Israël, la malédiction sur les juifs, l’islam vaincra”.

Cette situation interdit aux anti-Saoudiens comme aux anti-Iraniens les plus convaincus d’identifier au Yémen le moindre camp de « la laïcité » ou de « la modernité » menacées.

Sur fond de surenchère sectaire entre Al-Qaïda et Daech, la crise yéménite laisse ainsi peu d’espace pour une identification positive de la part de l’opinion occidentale à l’un des camps qui s’affrontent.

De ce côté-ci du monde, l’agenda des politiques est donc dicté par des considérations plus prosaïques. Leur soutien à la coalition menée par l’Arabie saoudite semble pour l’heure reposer sur deux piliers. Le premier, économique, relève du clientélisme inhérent aux formidables contrats de ventes d’armement en jeu.

C’est pour conserver les faveurs de son client saoudien et rivaliser avec les efforts des Etats-Unis que la France continue à ce jour à priver son armée de l’air d'une partie de ses réserves de munitions.

Le second, stratégique, tient à la centralité extrême de la variable anti-iranienne. Celle-ci était un temps passée au second rang de l’agenda de l’administration d’Obama et de ses principaux alliés européens, signataires d’un très réaliste accord nucléaire, mais l’élection de Trump a marqué le retour en force de l’obsession anti-iranienne.

Au point de crédibiliser désormais la naissance d’une improbable alliance entre Washington, Riyad et Tel Aviv.

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