Le soulèvement syrien a commencé moderato cantabile en mars 2011, alors que l’effet de stupeur provoqué par les départs rapides de Ben Ali et Moubarak se dissipait et, surtout, que le monde avait les yeux braqués sur le Japon, où plusieurs réacteurs nucléaires se trouvaient éventrés à la suite d'un tremblement de terre et d'un tsunami.
Il a pris son plein essor dans les mois qui ont suivi, alors que le spectre de la réaction intégriste menaçait déjà les insurrections tunisiennes et égyptienne, et qu'il devenait de bon ton, en Occident, d’estimer que les Printemps arabes devaient fatalement être suivis par l'automne et l'hiver islamistes.
Plus que d’une (relative) infortune médiatique, le soulèvement syrien a pâti de l'opposition frontale de grandes puissances régionales ou mondiale (l'Iran et la Russie) et d'attaques récurrentes dans les opinions publiques occidentales. D'un côté il a été « classiquement » discrédité, réduit à un cheval de Troie des mouvements salafistes, qui ont effectivement poussé leurs pions dans tout le monde arabe à la faveur du flottement provoqué par les chutes de dictateurs ou les conflits armés.
Depuis au moins 2014, l'insurrection démocratique syrienne est condamnée – au mieux avec regret – par la presse occidentale, sans toutefois qu'on comprenne vraiment si elle existe encore, à quel moment elle aurait été dévorée par l’hydre islamiste, ou même (version Figaro) si elle a jamais été autre chose qu'un paravent destiné à dissimuler aux yeux des naïfs d'Europe et d'Amérique une pure et simple sédition djihadiste contre le cruel mais laïc Bachar al-Assad.
À cela se sont ajoutés les calomnies des milieux d'extrême gauche (italien, français…) présentant le soulèvement populaire multiconfessionnel de 2011 comme le résultat de manœuvres de déstabilisation américaine contre un régime pas assez lié aux intérêts états-Uniens – les nostalgiques les plus féroces de l'empire soviétique osaient dirent : un régime anti impérialiste.
(…) Choses entendues déjà (Iran, Ukraine, Egypte) que des commentateurs confortablement installés à l’ombre de la liberté d'expression « bourgeoise » discréditaient par avance, certains que seules des officines mises sur pied par la CIA peuvent pousser des millions de personnes à descendre dans les rues pour clamer leur désir de liberté.