La “victoire”, importée, d’une minorité déchue sur une majorité abandonnée.

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En Syrie, quelle que soit la teneur de l’actualité des jours prochains, une page de notre histoire contemporaine, aussi noire qu’importante, est en train de se tourner. Ce ne sont point les Russes qui vont quitter Alep mais bien ses habitants les plus légitimes. Car cette fausse « victoire » préfabriquée à Moscou est celle d’une minorité politique déchue, artificiellement perfusée par une double ingérence, – iranienne et chiite puis russe – sur une majorité abandonnée de tous.

Ce faux triomphe n’est pas celui d’une partie de la société syrienne sur une autre. Seule l’a rendu possible la conjonction de la passivité irresponsable des Occidentaux face à une intervention étrangère hors de proportion avec celles des soutiens arabes ou autres, de l’opposition. C’est donc la victoire d’une minorité perfusée par des autoritarismes étrangers sur une majorité abandonnée par les prétendus défenseurs de la démocratie. C’est une victoire des armes de l’hiver autoritariste sur les espoirs du printemps démocratique.

L’objectif que les Russes et leurs recrues sont en passe d’atteindre est simple : c’est la destruction de toute résistance à la pérennité de leur pion syrien autre que cet épouvantail Daech qu’ils ont en fait habilement laissé prospérer et dont ils savent que la planète toute entière est en train de le combattre…à leur place.

Bien plus sûrement que sur son dépassement, ce triomphe de la force débouche donc sur une simple reconfiguration de la crise syrienne dont tous les acteurs, fut ce dans une nouvelle assise territoriale, entendent demeurer actifs. Il ne laisse en effet aucunement entrevoir cette « réconciliation au centre » qui est la condition d’une reconstruction du tissu politique. Il faudrait pour cela que ceux des vaincus du champ de bataille qui parviendront demain à s’extraire des ruines d’Alep pour rejoindre les millions de ceux qui les ont précédés puissent se sentir réellement associés à cette reconstruction.

Mais il n’en sera rien. L’affirmation sur un registre explicitement sectaire de la présence iranienne au plus haut niveau de l’Etat ou en plusieurs points de son territoire (pour être « proche des frontières de l’ennemi israélien » comme l’a expliqué le guide Khamenei) augure mal du dépassement de la fracture sectaire. Ce triomphe de l’injustice risque inévitablement d’entretenir, voire d’accélérer le processus de montée aux extrêmes initié par l’usage illimité de la force accordé au régime par ses sponsors. A posteriori, il va achever de discréditer non seulement ces Occidentaux qui ont multiplié les reculades mais également tous les Syriens qui ont cru à leurs promesses et leur ont fourni les gages de « modération » qu’ils réclamaient. Il va donc donner de facto raison aux plus radicaux, c’est-à-dire aux djihadistes, les seuls à pouvoir se vanter de ne pas avoir été trahis.

Comment en est-on arrivés là ? Parce que le président Obama en voulant – loin des excès irakiens de ses prédécesseurs- faire du désengagement proche oriental de son pays le point fort de sa présidence en a fait la plus mortifère erreur. Parce que Turcs et Occidentaux, les principaux sponsors de l’opposition, ont progressivement considéré la grande mobilisation populaire par le seul prisme des deux avatars régionaux- auxquels elle a donné lieu : la mobilisation kurde d’une part et djihadiste d’autre part ont peu à peu borné égoïstement leurs agendas syriens respectifs.

C’est donc sur l’autel de la peur turque de l’irrédentisme kurde et sur celui de la dérive occidentale qui - de Donald Trump à François Fillion - a irrésistiblement aboli la frontière entre “sunnites” et “djihadistes” que la révolution populaire syrienne a été sacrifiée.

La France a été un temps la partisane isolée de limiter les outrances de Bachar al- Assad. Avant même d’avoir été visée sur son sol par Daech, mais sur toile de fond d’islamophobie ambiante, elle s’est ensuite brutalement convertie à l’option contre productive du « tous contre Daech et seulement contre Daech » qui a scellé l’abandon de l’opposition révolutionnaire.

Avec ses gesticulations guerrières, elle reste seule aujourd’hui face à ses prurits identitaires et ses urgences électoralistes. Espérons que l’histoire ne lui fera pas payer trop vite et trop cher ces nièmes manquements à ses vieilles ambitions humanistes.

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