La séquence prolongée durant laquelle, au lendemain de la rupture décoloniale, les institutions organisant la représentation, fugitivement expérimentée dans la ferveur des indépendances, avaient irrésistiblement cédé la place aux institutions de la répression, a paru être arrivée à son terme.
La dynamique protestataire était initialement caractérisée par l’absence d’encadrement de la part des oppositions partisanes préexistantes et l’usage de mots d’ordre (“dignité”, “liberté”, “dégage”) dont aucune d’entre elles ne pouvait revendiquer le monopole.
Par la suite, les acteurs usant du lexique de l’islam politique - les Frères musulmans, mais également, en Egypte, des salafistes nouvellement acquis, mais sur des lignes divergentes, à l’action politique ou - ont joué un peu partout des rôles de premier plan. Au terme de plusieurs décennies d’ostracisation, ou d’interdiction, les islamistes ont été non seulement intégrés aux consultations électorales, mais ils ont de surcroît réussi un peu partout à les remporter.
Leur capacité à «jouer le jeu» du pluralisme naissant a démenti ensuite la doxa des prophéties pessimistes qui ne les cantonnait qu’au seul registre de la violence.
En Egypte, en juillet 2013, l’éviction par la force de Mohamed Morsi, premier président égyptien élu au suffrage universel, a symboliquement clos cette phase d’intégration des islamistes aux scènes politiques légales. Hormis, jusqu’à un certain point, en Tunisie, si différentes que demeurent aujourd’hui les configurations nationales, pour ces courants légalistes, la nouvelle séquence se caractérise par une détérioration accrue des canaux de la représentation et de la participation politiques et par un retour (ou, en Syrie, une militarisation) des logiques autoritaires et répressives.
C’est dans ce contexte que le spectre de l’action islamiste s’est diversifié à un rythme sans précédent. En Tunisie, un parti longtemps criminalisé au sud comme au nord de la Méditerranée comme représentant un danger pour le pluralisme et la démocratie s’est montré capable de jouer un rôle actif dans l’adoption, le 26 janvier 2014, d’une constitution considérée comme l’une des - sinon la - plus démocratiques et laïques en vigueur à ce jour dans le monde arabe.
A l’inverse, à l’autre bout du spectre politique, la montée aux extrêmes s’est déployée dans plusieurs enceintes nationales où l’action armée s’est généralisée (Libye, Yémen, Syrie, Irak). Dans le prolongement de l’organisation al-Qaïda fondée par Oussama Ben Laden, celle de l’Etat Islamique, promue par son jeune challenger Abou Bakr al-Baghdadi a, dans le cadre d’un même agenda sectaire transnational, affirmé sa propre différence (2).
Les groupes sunnites radicaux extrémistes, longtemps cantonnés à la périphérie des sociétés, ont réussi depuis 2011 à conquérir, au sein des systèmes politiques qui s’étaient révélés les plus profondément bloqués, des positions beaucoup plus centrales, allant jusqu’à disposer, dans le cas de Daech, d’une large assise territoriale. L’élargissement de l’offre politique consécutive aux «printemps arabes» a donc à la fois souligné la centralité des islamistes en même temps que - de Rached Ghannouchi à Tunis à Abou-Bakr al-Baghdadi à Mossoul - il a accéléré leur profonde diversification.
Défaite idéologique ou reflux politique ?
En Tunisie, en Egypte, au Yémen, au terme de processus très différents, les bénéficiaires islamistes des premières protestations ont été assez rapidement écartés du pouvoir - y compris, en Tunisie par un désaveu apparent des urnes. Cela a conduit certains observateurs à tirer la conclusion hâtive d’une incapacité spécifique “des islamistes” à exercer le pouvoir, à questionner la pérennité de leur influence dans les différentes arènes nationales voire à annoncer leur énième déclin.
Alors que les Frères musulmans avaient été “facilement” exclus du pouvoir au Caire, certains ont voulu voir dans le recul d’Ennahdha en Tunisie en 2014 le séisme idéologique tant attendu du “désaveu populaire des islamistes”. La réalité s’est vite avérée plus contrastée que cela, et ces interprétations, refusant d’interroger la matrice complexe de la restauration autoritaire en jeu, comme ayant des forts relents de «wishfullthinking».
Le recul des premiers vainqueurs islamistes des urnes du printemps doit d’abord, et sans doute est-ce là l’un des tout premiers enseignements des expériences printanières, être lu au travers du prisme politique, et donc très profane, des difficultés de la transition, davantage qu’au travers de considérations idéologiques ou religieuses. Il convient en effet de considérer que les contrecoups subis par la popularité des premiers vainqueurs des urnes sont le fait, plus ou moins logique, de leur statut de précurseurs de la contestation des régimes autocratiques, bien plus qu’ils ne découlent de leur couleur politique, en l’occurrence “islamiste” (3).
Ces revers incitent ensuite, de façon corollaire mais tout aussi essentielle, à considérer la séquence de la sortie de l’autoritarisme dans une temporalité beaucoup plus longue que celle qui a pu être un temps entr’aperçue au lendemain de la chute des autocrates tunisien, égyptien, ou yéménite au lendemain de la fugitive défaite des ordres anciens.
L’Egypte et la révolution inachevée
S’il manquait très certainement aux Frères musulmans égyptiens l’expérience que ne pouvaient avoir des militants demeurés pendant plusieurs décennies éloignés des centres de pouvoir, voire en prison ou en exil, les raisons de leur affaiblissement ne se limitent aucunement aux maladresses commises par le premier président élu de l’Egypte contemporaine.
Ces erreurs de stratégie sont d’ailleurs moins systématiques que ne l’ont dit avec insistance les médias demeurés aux mains de ses adversaires ainsi que tous ceux qui, en Egypte et dans le reste du monde, avaient envie de voir confirmer l’idée d’une défaite de l’objet fantasmé de leurs craintes existentielles. La plus décisive des erreurs des Frères égyptiens est sans doute de ne pas avoir réussi - malgré de réels efforts - à arracher à une composante, même minime, de l’opposition de gauche (dont les urnes avaient révélé l’extrême fragilité) une alliance du même type que celle qui, en Tunisie, a joué très favorablement en faveur de leurs homologues d’Ennahdha - l’insertion de ceux-ci dans une “troïka” avait permis de faire cautionner leur action par un président (Moncef Marzouki) non islamiste.
Plus structurellement, les Frères égyptiens ont surtout découvert en arrivant au pouvoir une réalité dont l’opinion publique internationale a mis fort longtemps à prendre la mesure : au terme de plusieurs décennies d’autoritarisme, d’absence d’alternance et d’extrême centralisation du pouvoir, une majorité parlementaire, même confortable, ne donnait aucunement les moyens à une force d’opposition (quelle que soit sa couleur politique) de contrôler les appareils et les centres de pouvoir. Cette majorité électorale avait peu de poids dès lors que la sécurité (police et armée), l’économie, l’information mais également la justice demeuraient aux mains de l’ancien régime.
Accessoirement, les conditions de l’éviction de Morsi ont montré que “la communauté internationale” en général, l’Union Européenne et chacun de ses membres en particulier, avaient à l’égard de leurs propres exigences de “respect de la légalité électorale” un attachement pour le moins sélectif.
L’une des erreurs des dirigeants portés par les élections à la tête de l’Egypte semble de ce fait être d’avoir pris trop au sérieux la sacralisation du verdict des urnes que leurs “professeurs” étatsuniens ou européens prétendaient peiner à leur inculquer depuis plusieurs décennies avant de s’empresser eux-mêmes de les piétiner.
Tunisie…..ou la défaite des extrêmes
En Tunisie, le rétrécissement de la base électorale d’Ennahdha, au terme de sa première participation au pouvoir, ne saurait pas davantage être sur-interprété comme un recul ou un désaveu “des islamistes”, en tant que tels. Il ne s’agit pas non plus d’un simple retour en grâce du camp de l’ancien régime et moins encore d’un triomphe de l’idéologie “éradicatrice” de la bourgeoisie francophone “anti-islamiste”.
Les partis issus de l’opposition réunis en une “Troïka” qui, au lendemain de la chute du président Ben Ali, ont été portés au pouvoir, ont en effet moins été battus pour les choix inhérents à leur couleur politique (i.e. à cause de la participation majoritaire des islamistes) que du fait de leur incapacité relative, très prévisible, à satisfaire la multiplicité des attentes sociales dans cette période particulièrement exigeante de sortie de l’ère autoritaire.
Avec des cadres peu préparés et dans un environnement régional, arabe (Emirats A.U. notamment) et européen particulièrement hostile, la coalition dirigée par Ennahdha a dû assumer le pouvoir dans une période particulièrement difficile. N’importe quel autre parti, gauche incluse, aurait dû faire face à d’identiques difficultés. S’agissant d’Ennahdha, il faut ensuite considérer que son leader et fondateur Rached Ghannouchi a imposé une ligne qui l’a sans surprise coupé d’une partie au moins de sa base électorale potentielle.
Si, après une période de conciliation qui lui a beaucoup été reprochée, Ennahdha ne s’était pas confronté avec une partie de son environnement salafiste, la coalition défendue par Ghannouchi à la présidentielle aurait peut être pu combler l’écart des quelques sièges qui l’ont privé de figurer en tête du scrutin. Peut-être serait-il aujourd’hui associé plus directement au pouvoir.
Mais peut-être également aurait-il subi le sort de son homologue égyptien. En tout état de cause, la défaite relative de la coalition à laquelle appartenait Ennahdha ne saurait permettre de conclure que l’idéologie de la bourgeoisie francophone éradicatrice bénéficie aujourd’hui, à l’échelle du pays, d’une situation d’hégémonie.
La fin ou le renouveau du jihadisme ? Tunis ou Mossoul…et Paris
Dans leurs premiers mois, les printemps arabes avaient fréquemment donné lieu à l’exégèse suivante : avant d’être éliminé physiquement par un commando américain le 2 mai 2011 au Pakistan, Oussama Ben Laden, le fondateur d’al-Qaïda, avait vu sa stratégie de confrontation radicale « liquidée » politiquement par le pacifisme des révoltes tunisienne et égyptienne. Les premières victoires de ces mobilisations en Tunisie et en Égypte consacraient censément l’échec des mouvements jihadistes.
Cette lecture n’était pourtant pas la seule possible. Rien n’interdisait de considérer à l’inverse que l’explosion populaire contre des dictatures que Ben Laden contestait militairement, cautionnait spectaculairement son diagnostic. Il n’en est pas moins indéniable que, en redonnant du sens aux luttes politiques non violentes, les printemps arabes ont pendant un temps au moins affecté à la baisse la capacité de mobilisation du camp djihadiste.
Les printemps tunisien et égyptien ont en effet d’abord consacré le refus populaire du recours à cette lutte armée vers laquelle - après avoir épuisé tous les recours de la protestation non violente avec la monarchie saoudienne - Ben Laden s’était orienté. L’espoir dans chacune des enceintes nationales de voir émerger des institutions représentatives crédibles a affaibli un temps l’attrait des trajectoires radicales transnationales : alors que la « chute des régimes » faisait entrevoir une sortie de la spirale répression/radicalisation, certaines des causes que la jeunesse radicalisée exprimait via son inscription dans l’aventure djihadiste semblaient pouvoir être mieux entendues par des États en voie de démocratisation.
Le ralliement aux exigences de la compétition électorale de l’Égyptien Aboud Zummer - l’un des membres de l’organisation qui avait planifié l’assassinat de Sadate - dès sa sortie de prison (en février 2011), puis celui du Libyen Abdelhakim Belhaj (4), ont fourni quelques échantillons éloquents de cette dynamique inclusive.
Mais si les printemps ont d’abord semblé avoir vocation à affecter significativement la configuration de la scène djihadiste internationale, bien des restrictions ont ensuite relativisé cette tendance. A mesure que le pacifisme des premières trajectoires protestataires montrait ses limites, notamment en Syrie (5), et que les méthodes de l’autoritarisme reprenaient leurs droits, le discrédit de la violence armée a trouvé ses limites.
Devant l’obstination des régimes, Libyens, Yéménites et Syriens ont dû eux aussi avoir recours, fût-ce dans une logique d’autodéfense, aux armes. Celles-ci ont donc progressivement retrouvé toute leur légitimité.
On vérifie ici que ce n’est pas une quelconque “idéologie islamiste”, surtout pas monolithique, qui détermine l’action des acteurs, mais bien leur inscription dans des champs politiques différenciés. Ces arènes sont généralement fortement contraintes à la fois par la fermeture autocratique des régimes et les interventions impérialistes des Etats occidentaux.
C’est manifestement la méconnaissance de cette variable essentielle - la corrélation entre les modes d’action des islamistes et leur environnement institutionnel - qui conduit l’écrasante majorité des observateurs extérieurs à la région, chaque fois qu’ils s’interrogent sur “les causes de la violence terroriste”, à se focaliser sur ce qu’ils considèrent comme des contradictions consubstantielles au corpus de la référence religieuse ou à l’interprétation qui en est faite, alors que ces contradictions sont en fait largement inhérentes aux configurations politiques au sein desquelles évoluent les acteurs concernés. Oussama Ben Laden a été, on l’oublie souvent, le révélateur autant que le responsable des profonds déséquilibres de la scène mondiale. Tant que ces déséquilibres perdurent, le lourd déficit de légitimité des États-Unis et de leurs alliés européens et israéliens, mais également, plus récemment, l’identique déficit des acteurs russes et iraniens auprès d’une large majorité de l’opinion publique du monde musulman reste d’actualité.
Pour tous ceux pour qui les institutions politiques nationales (même après « rénovation »), régionales ou internationales, n’ont pas acquis de crédibilité suffisante, la tentation de s’en détourner au profit de la lutte armée risque donc de perdurer.
L’omniprésente diversité” des islamistes
Aujourd’hui dans leur « omniprésente diversité », les islamistes constituent moins que jamais une catégorie homogène et cohérente du paysage politique méditerranéen.
Profondes différences doctrinales - entre le courant frériste et son concurrent salafiste (sans parler des tensions internes à ce courant(6)) -, spécificités de chacune des configurations politiques nationales, clivages sectaires internes ou internationaux, particularismes régionaux et autres irrédentismes ethniques se superposent pour priver la catégorie “islamiste” de l’homogénéité excessive que le regard occidental persiste souvent, très artificiellement, à lui accorder.
Il convient en fait de dissocier soigneusement les arcanes des différentes situations nationales : l’agenda des Frères musulmans égyptiens ou syriens et leurs attentes vis-à-vis de partenaires européens potentiels ne sont pas les mêmes que ceux du du Hizbollah libanais, ni du Hamas palestinien et encore moins ceux de l’organisation Etat islamique qui les combat… tous.
L’Arabie et l’Iran ont bien évidemment des agendas régionaux très différents, à l’intérieur de leurs frontières comme sur la scène régionale et mondiale - au Yémen, en Irak et en Syrie notamment. Ces clivages ne sont pas seulement déterminés par la ligne de partition entre chiisme et sunnisme, régulièrement surévaluée : Arabie et Iran peuvent par exemple converger dans leur rapport à l’organisation de l’Etat islamique, qui les menace tous deux.
Les Saoudiens ont régulièrement démontré - au point d’être soupçonnés d’acheter le soutien de tous ceux dont ils ont peur - qu’en politique étrangère, leurs objectifs étaient bien plus pragmatiques qu’idéologiques ou religieux. Ils ont ainsi soutenu le Yémen du Sud « communiste » lors de la guerre civile de 1994, puis, toujours au Yémen, ils ont longuement toléré la poussée des houthistes - de confession zaydite, une branche du chiisme -, car elle permettait de contenir d’autres acteurs - sunnites - menaçant leur hégémonie : les Frères musulmans de l’Islah et les groupes salafistes implantés à Daman près de leur frontière.
Quant à l’Iran, s’il a certes une propension à soutenir des mouvements tels que le Hizbollah ou certaines formations irakiennes du fait de leur appartenance chiite, les axes de sa politique régionale transcendent cette variable sectaire. Téhéran n’hésite pas ainsi à cautionner l’action d’un parti sunnite comme le Hamas, que de leur côté combattent les autorités “sunnites” de l’Egypte de l’université d’al-Azhar. Les acteurs islamistes, étatiques ou oppositionnels, ont donc en fait des alliés et des clients potentiels très différents de ceux que désigne la seule référence à leur appartenance confessionnelle.
Pour une partie au moins de ces acteurs, la crise syrienne a manifestement généré un repli sur les appartenances infra ou supra-nationales. Dans le camp de ceux qui ont entrepris de se libérer de l’emprise de l’État ou de profiter de son affaiblissement, les Kurdes se sont mobilisés sur une appartenance plus ethnique que religieuse - preuve que la référence religieuse n’est pas le seul substitut au lien national lorsque celui-ci vient à se déliter.
Mais pour tous les autres acteurs, lorsque le ciment de la construction institutionnelle de l’opposition a échoué à renouveler le lien national fissuré par la guerre civile, ce sont bien les appartenances confessionnelles (pour les chrétiens comme pour les musulmans, aussi bien chiites que sunnites) qui se sont substituées au maillage national.
Dans les rangs du régime « laïc » syrien, l’affrontement a vu naître une double confessionnalisation : d’abord alaouite puis plus largement chiite, elle est devenue également chrétienne, ou à tout le moins « anti-sunnite». Cette dynamique n’a d’ailleurs pas seulement affecté les acteurs du théâtre politique oriental. Elle a touché de façon plus inattendue leurs soutiens russes et occidentaux, et leur mobilisation face à la frange radicale de l’opposition sunnite a souvent emprunté les accents tristement connus de la “croisade” lancée en son temps par George Bush, l’initiateur américain de l’invasion de l’Irak.
Conclusion
Une conclusion centrale s’impose dès lors : le concept d’ « Islam politique » ou de « courant islamiste » est périmé s’il tend à désigner un groupe d’acteurs dont les modes d’actions seraient identiques, les références clairement définies et intangibles. Le terme devrait être plus systématiquement adapté à la plasticité de la réalité socio-politique qu’il recouvre.
Le concept unique d’islamisme sous-entend en effet - à tort - que l’emploi d’un lexique islamique - qui peut servir des projets politiques aussi différents que ceux de Ghannouchi et de Baghdadi - serait le principal déterminant des pratiques de ses adeptes. Il masque ainsi le fait que leurs pratiques sont avant tout, en réalité, le produit de leurs interactions, très profanes (mundane), avec l’environnement (local, régional ou international) où ils évoluent.
Les observateurs et les acteurs, locaux comme internationaux devraient donc, lorsqu’ils cherchent un prisme pour approcher les évolutions politiques au Proche-Orient, recentrer leurs efforts sur les vastes mais très universelles exigences de la bonne gouvernance, sans se focaliser outre mesure sur le lexique des acteurs concernés.
Le rapport à l’ «islamisme » ne saurait plus suffire ainsi aux Européens à déterminer leur diplomatie régionale. Seul l’examen attentif et « désidéologisé » de l’action des formations en présence - dans chacun des contextes nationaux où elles se développent (au Maghreb, en Syrie, en Irak ou au Yémen notamment) - devrait leur permettre de décider rationnellement de la nature des relations qu’ils doivent nécessairement nouer avec les acteurs de l’islam politique, aujourd’hui incontournables dans leur environnement.
Notes
(2) Cf Laurent Bonnefoy : Ben Laden, le Yémen et la stratégie d’Al-Qaida. Une rupture générationnelle autant que politique avec l’OEI http://orientxxi.info/magazine/ben-…
(3) Cf notamment Bjorn Utvik : A question of faith? Islamists and secularists fight over the post-Mubarak state
http://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/17550912.2017.1279384 Contemporary Arab Affairs Volume 10, 2017 - Issue 1
(4) dont la trajectoire a été retracée par Isabelle Mandraud dans “Du djihad aux urnes: Le parcours singulier d'Abdelhakim Belhadj”, Stock 2013
(5) François Burgat “La crise syrienne au prisme de la variable religieuse” in Révolutions et transitions politiques dans le monde arabe. Ss la direction de Zaineb Ben Lagha, Burhan Ghalioun, Mohammed El Oifi, Paris, Karthala 2017
(6) Les salafis égyptiens sont par exemple sortis de leur quiétisme sur deux lignes politiques distinctes. Celle du Hizb Al Nour, tout entière construite autour de la confrontation avec les Frères les a conduits à donner la priorité à leur volonté de confronter les Frères et à ne pas hésiter pour ce faire à s’allier à la contre-révolution menée par A. Sissi. Une autre branche, conduite par le très charismatique Hazim Abou Isma’ïl - fugitif candidat à l’élection présidentielle (écarté pour cause de nationalité américaine de sa mère) -, s’est positionnée dans le champ politique révolutionnaire. Cf. Stéphane Lacroix : “Sharia et révolution. Emergence et mutations du salafisme révolutionnaire dans l’Egypte post-Moubarak”. (à paraître). Au sein de la mouvance révolutionnaire syrienne, les nuances d’appropriation en politique de la doctrine salafiste sont tout aussi marquées. Cf. Thomas Pierret et Ahmad Abazid : “Les rebelles syriens d’Ahrar al-Sham entre légitimités jihadiste et révolutionnaire”, Critique Internationale, (à paraître) ; Laurent Bonnefoy, “Le salafisme quiétiste face aux recompositions politiques et religieuses dans le monde arabe (2011-2016)”