"Radicalisation" ? Les "fous de dieu", les "nihilistes" et ...les autres

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L’histoire contemporaine de la Palestine et, plus précisément, celle de l’occupation et de la colonisation des territoires de 1967 fourmillent de témoignages qui tissent, sur une thématique centrale de ma recherche, une démonstration absolument essentielle : ils illustrent le fait que, lorsque les conditions banalement politiques de la radicalisation sont réunies, les racines de la violence extrême, y compris dans sa forme djihadiste autodestructrice, peuvent parfaitement se passer de toute contamination idéologique, salafiste ou autre. Et gagner n’importe quelle composante, sans critère d’âge, de sexe, de conditions sociales ou d’appartenance religieuse, de la société opprimée.

L’un des témoignages rapportés par un pourtant très « candide » voyageur « en Terre sainte » (Regis Debray Un candide en terre sainte, Gallimard, Paris, 2008, p. 74.) illustre, peut être même plus éloquemment que le discours des sciences sociales ne parvient à le faire, la matrice quasi universelle du recours à la (contre-)violence : « Mon hôte a perdu, sous le même bombardement, ses deux filles, sa femme, son père, sa grand-mère, sa belle-sœur, son frère, sa sœur, sa belle-mère. Il lui reste un fils de sept ans, amputé d’un pied. Il me crache : “Je n’ai jamais été terroriste, comme ils disent là-bas. Maintenant, je ne dis plus.”

Il se fait rabrouer par mon traducteur, instituteur en ville, qui me souffle à l’oreille : “Ils ont détruit notre société. Nous ne croyons plus en rien. On a fait de nous des monstres.” Quelques jours plus tard, une grand-mère du voisinage s’est fait exploser au passage d’une patrouille israélienne, qui n’a eu que trois blessés.

Elle était âgée de soixante-sept ans et avait laissé plein de bonbons à ses soixante-treize petits-enfants, bien en évidence sur la table de sa cuisine pour le jour de ses funérailles. Elles furent festives, paraît-il. L’un de ses fils avait été tué peu de temps avant dans la rue, avec deux autres emprisonnés comme militants du Fatah, et sa maison, en punition, détruite par les bulldozers.

Elle en avait assez d’avoir peur. Elle s’est mise un bandeau vert du Hamas autour de la tête, a enregistré son testament vidéo, a pris une douche et s’est collée des pains de TNT sous sa robe. C’est devenu l’héroïne du quartier. Mais tous apparemment ne sont pas d’accord. On traite parfois de lâches les Palestiniens parce qu’ils enverraient leurs enfants se faire tuer à leur place. Ici, je vois des enfants dissuader mamie et papi d’aller jusqu’au bout .

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