Au fil du mondial Troisième journée et souvenir du match de la honte

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La troisième journée du premier tour, ou si l’on préfère, la dernière journée de la phase de poules (ce dernier terme étant issu des courses hippiques, avouez que vous ne le saviez pas et que vous ne vous étiez jamais posé la question de son étymologie), est toujours une étape particulière. C’est le moment où certaines équipes qui avaient encore quelques espoirs de qualification comprennent qu’est venu le temps pour elles de rentrer à la maison (cas de la Serbie contre le Brésil). D’autres passent le cap sans vraiment trembler (Uruguay, Croatie, Belgique) ou sans vraiment rassurer leurs supporters (France) ou encore en revenant de loin (Argentine).

C’est aussi le temps des premières grosses surprises avec des éliminations que personne n’aurait osé annoncer il y a encore quinze jours. C’est le cas de l’Allemagne, incapable de marquer le moindre but à une Corée du sud héroïque.

Pour la première fois de l’histoire, la Deutsche Fußballnationalmannschaft est sortie de la compétition pendant la phase de poules. Kolossal surprise ! C’est si bon… (Vous comprendrez plus loin d’où vient cette satisfaction nourrie par une vieille rancune). Une surprise donc. Bien plus grande que, par exemple, les déroutes, en 2002, de la France championne du monde 1998, en 2010, de l’Italie championne du monde 2006 ou, en 2014, de l’Espagne championne du monde 2010.

En ce début de vingtième siècle, et si l’on fait exception du Brésil champion du monde en 2002 et qui a pu passer le premier tour en 2006, il existe bien une malédiction qui, quatre ans plus tard, frappe le champion sortant dès la phase de poules.

La troisième journée, c’est aussi celle des matchs entre équipes déjà éliminées. Des rencontres qui ne comptent que pour du lben et que l’on oublie très vite. Qui se souvient du match Bosnie Herzégovine - Iran du 25 juin 2014 (3-1) à Salvador ? Et, d’ailleurs, qui l’a regardé sachant que les rencontres de la troisième journée ont toujours lieu à la même heure ce qui oblige parfois à des choix douloureux (regarder Tunisie – Panama ou bien Belgique – Angleterre…?) ou alors à faire un usage intensif de la zapette.

Mais posons la question fondamentale : pourquoi donc ce synchronisme qui, tous les quatre ans, offre aux médias un beau marronnier (thème traité de manière régulière par la presse) ? Posez la question à n’importe quel Algérien, il aura la réponse amère.

Petit cours d’histoire. En 1982, lors de la Coupe du monde de football qui a lieu en Espagne, l’Algérie bat le Chili par 3 buts à 2 lors de la dernière journée des poules et conserve ses chances de qualification pour le second tour (elles auraient été plus grandes si les Verts avaient « tenu le résultat ». Une victoire donc et l’espoir d’être le premier pays africain à passer le premier tour.

Oui, mais voilà, le lendemain, les deux autres équipes du groupe, la République fédérale d’Allemagne (RFA) et l’Autriche s’entendent pour jouer le « match de la honte ». Onze minutes de jeu réel, un but de la RFA et ensuite plus rien, des passes à onze, un jeu vers l’arrière, une combativité nulle, le score qualifiant les deux cousins. C’est depuis cette date que la FIFA a décidé de faire jouer les derniers matchs à la même heure pour empêcher ce genre de combine.

Ce match provoqua la fureur des spectateurs espagnols présents dans le stade et qui crièrent « fuera ! » (Dehors). Les deux équipes allemande et autrichienne ne furent pas sanctionnées par la FIFA mais la presse mondiale fut unanime à condamner leur attitude. « Vingt-deux cartons rouges » titrera même le quotidien sportif français L’Equipe.

De temps à autre, des révélations confirment qu’il y eut bien entente entre les deux équipes. Certains joueurs, notamment Allemands, ont pris sur eux de présenter des excuses aux Algériens mais les déclarations des uns et des autres continuent d’être contradictoires.

Surtout, le temps a fait son œuvre et on a l’impression que ce crime contre l’éthique sportive est désormais relativisé. On en parle un peu et on passe vite à autre chose. Or, il s’agit de l’un des plus grands scandales de l’histoire de la Coupe du monde. La victime directe en était une Algérie talentueuse et prometteuse. Si cela avait été l’Allemagne, la France ou le Brésil, on en parlerait encore et les sanctions seraient certainement tombées…

Transition

Evacuons le principal point du jour. Encore une fois, encore et encore, encore et toujours, le Nigeria, comme tant d’autres équipes africaines, n’a pas su tenir le résultat. La faute à la jeunesse, la naïveté, la fatigue et une étrange torpeur de leur entraîneur qui n’a procédé au dernier remplacement qu’à la 92ième minute alors que ses joueurs étaient cuits.

Au-delà du résultat, ce match fut tactique et a illustré le fait qu’il y a plusieurs manières de regarder une rencontre. Si l’on est devant sa télévision, le regard sera nécessairement focalisé sur le ballon et ce qui l’entoure. La balle qui roule hypnotise, on suit le joueur qui la pousse, éventuellement celui qui la réclame. On peut aussi, si l’œil est aiguisé, repérer celui qui fait tout pour ne pas la recevoir (en allant, par exemple, se coller aux défenseurs adverses) et dont on dit alors qu’il se cache. Ce fut le cas de Di Maria l’Argentin.

C’est pourquoi les plans larges ont leur intérêt (à défaut de pouvoir être au stade). Ils permettent de vite saisir quelle est l’organisation tactique, ou son semblant, choisie par chaque équipe. L’un des réflexes à avoir quand on essaie de comprendre ce qui se joue est de « regarder en haut ou en bas » de l’écran à l’opposé d’où se situe l’action. On repère le défenseur qui ne monte pas à l’attaque et qui ne franchit guère la ligne médiane.

On détecte le milieu qui marche et qui ne propose aucune solution au porteur du ballon. On localise celui qui a pour mission de bloquer son vis-à-vis en cas de contre-attaque. Il est aussi intéressant de voir le comportement de tel ou tel joueur quand son équipe n’a pas le ballon et s’apprête à défendre. Remonte-t-il pour aider ses camarades ? Quel pas fait-il et dans quelle direction (vers l’avant ? De manière latérale ?) ? A-t-il pris ces quelques mètres d’avance qui lui permettront de faire la différence ? Comment se fait-il oublier ? (Suivez Ronaldo en phase défensive, c’est très instructif).

Le match de ce soir entre l’Argentine et le Nigeria a aussi offert une illustration intéressante pour lire ce que l’on appelle parfois, de manière un peu pompeuse, les dispositifs de transition. En gros, il s’agit de comprendre comment une équipe passe d’une phase de défense à une phase d’attaque ou l’inverse. On a ainsi pu relever que les Nigérians jouaient parfois à cinq joueurs derrière (5-4-1 ou alors un 4-1-4-1) avec un alignement quasi-parfait.

Dans ce cas, la transition consiste à monter vite vers l’avant quand le ballon est récupéré (ou perdu par l’adversaire). Cela signifie une capacité technique élevée et de la rapidité dans l’enchaînement. Mais le plus intéressant, du point de vue tactique, c’est de voir comment, et à quelle vitesse, une équipe accomplit la transition de l’attaque à la défense (certains parleront tout simplement de replacement). Car c’est souvent-là que les matchs se gagnent ou, du moins, qu’ils ne se perdent pas.

Certains entraîneurs comme Pep Guardiola n’aiment guère que leur équipe soit obligée de défendre. Pour eux, la transition ne consiste pas à se replacer en position défensive mais à récupérer le ballon le plus vite et le plus haut possible.

On « gratte » des ballons, on presse l’adversaire, on l’oblige à perdre le ballon, on stresse le gardien pour qu’il dégage n’importe où. L’Uruguay, la Croatie, à un degré moindre le Brésil et l’Espagne, ont appliqué cette approche qui exige une bonne condition physique.

D’autres équipes, elles, préfèrent attendre dans leur camp. Elles verrouillent et le football ressemble alors à du hand-ball. Que l’on soit au stade ou devant la télévision, on peut suivre la chorégraphie classique : le ballon va d’un côté à l’autre selon une trajectoire comparable à un arc de cercle tandis que la défense coulisse comme un piston.

Et, là aussi, regarder à l’opposé du ballon permet de repérer la faille possible ou l’attaquant qui se décale de quelques centimètres à chaque fois en attendant de surgir. Un ballet dont l’observation permet de tuer le temps quand le match n’est guère emballant…

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