Au fil du mondial: A onze mètres, le pénalty…

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Il n’y a pas de tournoi final de Coupe du monde de football digne de ce nom sans épreuve de penalties. C’est l’un des moments à part de ce sport. L’instant où tout peut arriver, où le sort et la chance le disputent au savoir-faire, à la préparation et à la technique.

C’est une dramaturgie intense qui passe par un séquençage qui mérite d’être détaillé. La première étape intervient alors que le match et ses prolongations ne sont pas encore terminés. Question simple : l’équipe doit-elle continuer à jouer au risque de se prendre un but en contre ou lui faut-il verrouiller le jeu et s’en remettre à l’épreuve finale ?

Aujourd’hui, la Russie et le Danemark ont décidé d’attendre, estimant (à raison pour la première, à tort pour le second) qu’ils s’en sortiraient mieux que l’Espagne et la Croatie. La Roja (et non, la « rora » chers confrères français) a essayé quant à elle de jouer jusqu’au bout mais on a vu quelques joueurs faire des passes vers l’arrière et tergiverser. Des hésitations annonciatrices de leur défaite… Quant à la Croatie, elle revient de loin même si elle a semblé se réveiller en fin de partie.

Après le coup de sifflet final, il faut désigner les dix premiers tireurs qui doivent rester dans le rond central. En théorie, la liste a été établie par l'entraîneur avant le match. En théorie encore, chaque équipe prend l’habitude de préparer cette séance à l’entraînement.

En réalité, et cela vaut pour d’autres aspects de ce sport, il ne sert à rien de tout préparer car les circonstances de jeu, ce qui s’est passé pendant le match, la fatigue des uns, les nerfs qui craquent des autres, obligent souvent à réaménager la liste.

C’est donc le moment où certains joueurs prennent leur responsabilité. Ils ne se défilent pas. Ils y vont. D’autres, se cachent, évitent le regard de l’entraîneur et laissent leurs coéquipiers aller au charbon. Ce fut le cas en 1998, lors du match France – Italie remporté par les Bleus aux tirs aux buts. Des joueurs, et non des moindres, avaient refusé de tirer. La peur d’échouer. La peur de se faire vilipender par le public. La peur d’être ridicule. Et c’est ainsi que deux jeunots, Thierry Henry et David Trezeguet durent se dévouer.

Ainsi naissent les champions. Et Modric, le numéro dix croate, est un champion, un vrai. Rater un pénalty pendant le match (à quelques minutes de sa fin !) et prendre le risque d’en tirer un second pendant la séance : il faut du culot, de la confiance en soi et un certain sens des responsabilités…

Les penalties constituent aussi un moment particulier pour le gardien de but. Certains ont planché les jours précédents sur les habitudes des tireurs adverses. Tirent-ils à droite, à gauche ? Quelle course ? D’autres s’en fichent. Ils « vivent » le moment. Contrairement à une idée reçue, ce n’est pas le gardien de but qui vit une grande solitude au moment du penalty. La solitude, c'est celle du tireur qui marche vers la surface de réparation. Quelques pas. Une éternité. Le gardien, lui, n’a rien à perdre.

Il peut jouer sur les nerfs de l’adversaire. Le toiser pour le déstabiliser, le « chambrer » même comme l’a fait Kasper Schmeichel avec les joueurs Croates. On se souvient ainsi de Bruce Grobbelaar, le gardien zimbabwéen de Liverpool et de ses pitreries lors de la finale des clubs champions en 1984.

Pas de solitude donc pour le gardien et pas d’angoisse non plus, contrairement, là aussi, au titre du roman de Peter Handke (L'Angoisse du gardien de but au moment du penalty) et du film éponyme de Wim Wenders. L’angoisse est pour le tireur car le gardien n’a rien à perdre (il faut lire à ce sujet Onze mètres, la solitude du tireur de penalty du journaliste britannique Ben Lyttleton, publié en langue française chez Hugo Sport). S’il arrête le tir, c’est un exploit. S’il y a but, personne ne lui en voudra.

Par contre, on se souvient encore du nom des tireurs qui ont loupé leur penalty, surtout ceux dont l’échec signifia la défaite de leur équipe. Comment oublier la détresse et la solitude de Roberto Baggio (en finale de la coupe du monde en 1994) après son tir raté ? Bref, pour le gardien de but, c’est « fait de ton mieux », pour le tireur c’est « tu n’as pas intérêt à louper ».

Mais certains tireurs trouvent le moyen de s’illustrer pendant la séance. Des milliers d’articles ont été écrits à propos du tchécoslovaque Antonín Panenka et de la manière irréelle dont il tira un pénalty contre la RFA de Sepp Maier (1976, la Tchécoslovaquie championne d’Europe au terme de la séance). L’histoire du football raconte que Maier n’a jamais pardonné à Panenka ce tir rectiligne et en feuille morte.

Depuis, des milliers de joueurs ont imité ce geste à l’image de Zinedine Zidane en finale de la Coupe du monde en 2006 (celle du fameux coup de boule). La « panenka », prise de risque et humiliation infligée au gardien…

Au terme d’une épreuve de penalties, il y a toujours cette séquence incontournable. Une équipe est effondrée. Une autre envahit le terrain en courant dans la même direction (vers le gardien qui a arrêté le tir ou vers celui qui l’a réussi). D’un côté, les rires et la joie (pensons au passage au soulagement du cinquième joueur russe qui n’a pas eu besoin de tirer son pénalty, l’échec du joueur espagnol signant la défaite de son équipe). De l’autre, les pleurs et l’abattement.

Sur le plan des statistiques, une rencontre perdue aux penalties n’est pas comptabilisée comme une défaite mais comme un match nul puisque le score était à égalité au terme des 120 minutes. C’est une manière de signifier le caractère spécial des tirs aux buts. Leur injustice a alimenté les polémiques. On a créé le « but en or » pour y remédier avant de l’abandonner car, lui aussi, fut jugé trop injuste. Quoi qu'il en soit, qu'on les aime ou pas, qu’ils nous crispent ou non, les « pénos » font partie de la beauté du jeu.

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