Un trou est un trou. Proverbe auvergnat.

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Toute la journée, l’hiver a poussé au-dessus de la vallée ses chartils de vent, de froidure et de pluie. Ils sont à présent bien installés devant la longue chemise étoilée de la nuit. Bien qu’il ne soit situé qu’à 27 000 années-lumière de nos courtils, comment distinguer au milieu de cette grisaille le fameux Sagittarius A, le trou noir autour duquel gravite notre galaxie ? À quoi, d’ailleurs, reconnaît-on un trou noir ?

Le plus inexpérimenté des jardiniers repère au premier coup d’œil la verrue brune d’une taupinière au milieu de sa pelouse. Et il sait qu’après l’avoir arasée, il découvrira un trou noir s’enfonçant dans le sol ameubli. Un trou se caractérise en effet par un espace vide entouré de matière. Sans ses bords, un trou n’existe pas. Mais des bords seuls ne suffisent pas non plus à constituer un trou.

Pour mieux comprendre, prenons l’exemple d’un inspecteur des impôts tout à fait ordinaire. Qu’il soit ou non chargé de famille nombreuse, membre assidu du club de pétanque de son quartier ou de son village, baryton Martin à la chorale de sa paroisse ou même pêcheur occasionnel à l’Amicale de la Gaule Intrépide. Été comme hiver et chaque matin que fait la règle d’or des 35 heures, il salue ses collègues agglutinés autour de la machine à café, accroche dignement son chapeau à la patère et s’assoit derrière son bureau avec un soupir d’aise. Toute la journée, il y compulse des dossiers, contrôle, vérifie, additionne, défalque, élimine, ajoute, multiplie, relève et déduit pour, en fin de compte, verbaliser, ou non, avec un soupir de satisfaction. Lorsque carillonne dans les interminables couloirs de l’administration l’heure de la sortie vespérale, il aura ainsi raclé un peu plus profondément encore la bordure d’un trou matérialisée ici par le porte-monnaie d’un contribuable au profit du gouffre incommensurable creusé par les déficits de l’État.

On voit par-là qu’à l’instar du jardinier soucieux de l’harmonie de son gazon et du fonctionnaire scrupuleux sinon même tatillon, tout un chacun peut aisément constater l’existence d’un trou.

L’astronome qui scrute le ciel n’agit pas autrement. Pour échapper aux cirrus, stratus et autres cumulonimbus, des observatoires toujours plus puissants ont été construits sous les cieux les plus dégagés du globe et des satellites toujours plus perfectionnés ont été envoyés par de-là même les nuées les plus élevées. L’objectif étant d’établir définitivement l’existence réelle des trous noirs et de vérifier ainsi la validité de la fameuse théorie dite de la relativité générale si chère à Albert Einstein.

Bien que modestement chaussé de ses sabots de châtaignier, le jardiner peut apprécier à cette aune grandiose l’inanité pas du tout relative de sa lutte contre les taupes, l’honnête assujetti à l’impôt mesurer la vanité de ses efforts pour équilibrer la balance de son budget et l’impécunieux État évaluer la vacuité de ses tentatives régulièrement avortées d’ajuster ses recettes à ses dépenses.

C’est pourquoi les trous noirs demeurent et demeureront longtemps encore une énigme insondable. Ce qui laisse bien de choses à penser à propos de l’avenir.

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