Parade printanière.

Photo

Les cerisiers sont en fleur. Les Myosotis, ficaires et pissenlits tapissent les clos. Un nuage au vert acidulé enveloppe les bouleaux. Dans quelques semaines, les palisses seront couvertes de feuilles et les futaies de chênes, fayards et châtaigniers arboreront leurs nouveaux habits de verdure. Et par un mouvement inversement proportionnel, la femme se dépouillera de ses oripeaux d’hiver, bottes, manteaux, écharpes de laine et bonnets.

Au premier rayon de soleil, elle revêtira son chemisier aux jaunes pétillants, exposera ses bras nus et relèvera l’ourlet de sa jupe. L’homme, quant à lui, conservera sa tenue anthracite pour accéder d’un pas vif et sévère à la tour du siège de son entreprise internationale avant de s’engouffrer dans l’ascenseur conduisant à son bureau au dix-huitième étage. À peine troquera-t-il sa cravate d’un triste bleu nuit pour une au rouge publicitaire. D’où vient cette différence ?

Rares doivent être les téléspectateurs à n’avoir jamais vu ces documentaires décrivant les parades amoureuses des oiseaux. Pour échapper aux innombrables dangers qui les menacent, les oiseaux peuvent en effet distinguer les couleurs. C’est ainsi que le mâle se pare de ses plus beaux atours, gonfle son jabot, le teinte de rouge, de jaune, de bleu et danse un ballet endiablé pour séduire la femelle aux tenues ternes et insipides.

Le mammifère, par contre, moins exposé peut-être aux attaques de ses prédateurs ou plus apte à s’en défendre, ne voit ses entours qu’en déclinés de noir et blanc. Comme les insectes, il est alors contraint d’avoir recours à des phéromones spécialisées pour prévenir sa future dulcinée de sa présence et la convaincre de la qualité de sa semence reproductive.

Or l’homme est, comme souvent, l’exception qui confirme la règle. Son système de vision lui permet d’admirer les arcs en ciel, de savoir quand il peut traverser la chaussée au feu tricolore, de repérer sa Bugatti aux reflets écarlates à trois cents mètres à la ronde et, surtout, le corsage bleu ciel de la secrétaire du patron. Car, chez Sapiens, c’est la femme qui pratique la parade nuptiale. Il n’en a pas toujours été ainsi.

Chez les hominidés en général et les grands singes en particulier, l’un et l’autre sexe ne manque pas de se parer de ses plus beaux pelages pour attirer l’attention. Pourquoi l’homme, issu des lignées de grands singes africains comme ses cousins les chimpanzés ou les bonobos, n’affiche-t-il pas ses plus beaux ramages à l’heure de fonder une descendance ?

Selon les paléoanthropologues les plus avertis, l’évolution chère à Darwin en serait la cause. Poussé un jour par quelque refroidissement climatique ayant modifié son environnement ou par une trop féroce compétition avec les autres hôtes de son milieu arboré, Homo s’installa dans la plaine. Ce milieu ouvert lui offrit un accès plus facile et toute l’année à une nourriture plus diversifiée et plus riche où figurait notamment le fameux menu carné aujourd’hui si décrié par les adeptes du végétalisme.

N’étant plus prisonnière des saisons pour choisir la meilleure période de reproduction, la femme en vint peu à peu à ovuler douze lunaisons par an. Comme, parallèlement, la monogamie s’imposait face au nomadisme sexuel, il devint indispensable pour la perpétuation de l’espèce que ce soit la femme qui choisisse elle-même le meilleur père pour ses petits. À savoir un mâle assez costaud pour assurer la protection de la famille, assez travailleur pour la nourrir, faire la vaisselle et descendre la poubelle le soir en rentrant du bureau et assez beau gosse pour attiser la jalousie des meilleures amies au bord de la piscine.

En un mot, le typique cadre supérieur de trente-cinq ans employé dans une entreprise du CAC40. Mais comme les hommes d’aujourd’hui ne possèdent pas tous ces belles qualités, la femme est obligée de les attirer autour d’elle pour mieux effectuer son choix. Elle en vient alors à se maquiller, à se parer de ses plus aguichantes toilettes et à teindre en blond son opulente chevelure. On voit par-là que, contrairement à certaines idées reçues, elle agit non pas par banale frivolité mais par soucis de la pérennité de l’espèce. Ce qui nous laisse bien des choses à penser.

Commentaires - تعليقات
Pas de commentaires - لا توجد تعليقات