Alpha du Centaure.

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Avril offre parfois un ciel nocturne clair et dégagé. C’est ainsi qu’au retour d’une visite tardive à la Ville, j’ai l’occasion de m’émerveiller une fois de plus du "ballet des étoiles" qui flamboient au-dessus de nos têtes. Notre quotidien est souvent brouillé par mille tracasseries qui peuvent, à l’occasion, prendre des dimensions astronomiques. Face au cosmos, on ne peut malgré tout que se sentir petit comme s’exclamait jadis Monsieur Perrichon du haut de la mer de glace.

Admirons donc. On distingue tout de suite le chariot de la Grande Ourse avec ses trois chevaux de trait qui le halent vers la constellation du Bouvier. À quelques encablures, la petite Ourse est conduite par l’étoile polaire posée juste au nord pour guider le marin en mal de système GPS. Sur la droite, les Gémeaux des légendes antiques, Castor et Pollux, jouent les fiers à bras et à hauteur des futaies de chênes et de châtaigniers, la lune marque son territoire.

Il est toutefois impossible de contempler Alpha du Centaure à l’œil nu. La distance qui nous en sépare, 41000 milliards de kilomètres, est bien trop importante. Elle n’avait certes pas rebuté Palmer Eldritch, le héros de Philip K .Dick dans son roman Le dieu venu du Centaure. Mais la durée du voyage longue de plusieurs milliers d’années n’en reste pas moins rédhibitoire pour un humain ordinaire.

Stephen Hawking ne se laisse pas impressionner pour autant. Il propose d’y envoyer des mini-vaisseaux équipés de voiles solaires et propulsés par des lasers géants à la vitesse de 160 millions de kilomètres par heure. Prenant cette suggestion très au sérieux, la Nasa elle- même projetterait de convoyer ainsi quelques explorateurs vers Mars en à peine une demi-journée. Alors, puisque le rêve devient possible, rêvons un peu. Imaginons que nos responsables décident de relever cette gageure et qu’ils fassent édifier une vaste usine d’assemblage non loin de Toulouse et de l’aérospatiale, disons en Creuse par exemple ou sur le plateau du Larzac.

Imaginons qu’une cinquantaine de ces engins y soient construits dans un délai raisonnable, disons en une année. Imaginons que pour fêter dignement Pâques une inauguration en grandes pompes soit organisée en présence de diverses personnalités mondiales de renom. Et imaginons que pour le week-end de Pentecôtes, un premier vol in vivo soit décidé. Resterait encore à désigner qui aurait l’insigne honneur de partir ainsi se baguenauder dans l’espace intersidéral.

Pour respecter les règles de la démocratie la plus élémentaire, il conviendrait alors de convoquer, dans les derniers jours d’avril, des élections générales à un tour où les électeurs désigneraient les personnes de leur choix. Les cinquante premières se verraient gratifiées d’une décoration adéquate avant de se glisser dans leur appareil individuel. Et au jour "J", la doyenne de l’humanité entourée des siens et d’une nuée de journalistes appuierait d’un doigt ferme sur le bouton de mise à feu. Dans un doux chuintement électrique, les machines s’élèveraient avec un ensemble parfait dans l’azur immobile jusqu’à n’être plus que de minuscules points grisâtres avant de disparaître aux yeux émerveillés de la foule en délire.

Hélas, on voit bien que ce rêve est irréalisable. Ainsi il faudrait prévoir, selon Stephen Hawking lui-même, le budget exorbitant de 90 millions d’euros, sans compter bien sûr, les dépassements dus aux estimations toujours trop optimistes, aux malversations frauduleuses, aux pots de vin, les filouteries indélicates et autres prévarications et arnaques de même ordre. Mais la plus grande difficulté réside ailleurs. Un pays où il faut sept ans pour dresser une éolienne sur son socle ne saurait venir à bout d’un projet de cette envergure en une année.

Remercions tout de même notre célèbre mathématicien de nous avoir permis de fantasmer quelques instants. Il nous laisse, en tout état de cause, bien des choses à penser à propos du futur.

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