Les Gaulois et l'Occident

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Les passereaux sont repartis pour les pays chauds. Les fougères éclairent les talus de fauves et de safrans et les asters les coins d’ombres de mon courtil. Les mûres, hélas, ont séché sur les ronces des haies et les bolets, russules et autres cèpes de Bordeaux rechignent à percer sous les feuilles mortes des sous-bois. Ne reste plus au campagnard que la méditation et les promenades par les frondaisons comme au bon vieux temps jadis où les fameux Gaulois peuplaient nos territoires.

Si tant est qu’ils les aient peu ou prou pratiquées au détriment de la chasse au sanglier, des interminables bagarres du samedi soir au sortir de leurs banquets pantagruéliques bien éloignés de ceux de Platon et du commerce dont ils étaient passés maîtres. Car même si on ne peut nier leurs contributions linguistiques qui émaillent encore aujourd’hui nos patronymes et les noms de nos villages, leur civilisation se caractérise surtout par une grande perméabilité aux idées et aux savoir-faire venus d’ailleurs.

Les Gaulois étaient d’abord des Celtes comme les autres, au même titre que les actuels Irlandais, Bretons et autres Gallois et leur culture orale ne nous a laissé que fort peu d’indices pour juger de la profondeur de leurs idées. Si bien que l’on peut dire que les fondements de la culture occidentale, devenue aujourd’hui pratiquement planétaire, doit beaucoup plus aux modes de pensée élaborés il y a 3000 ans au Moyen-Orient à Athènes et à Jérusalem qu’à la conquête des Gaules.

L’épisode du vase de Soissons vient d’ailleurs nous rappeler qu’ils ne tardèrent pas, ensuite, à être envahis par les Francs dont les mœurs et la culture ont laissé maintes traces dans nos cuisines comme dans nos cours de justice. En réalité, par leur exaltation de l’individu et de la raison, c’est surtout aux philosophes grecs comme aux penseurs juifs que nous devons les systèmes de valeurs qui régissent nos démocraties et charpentent nos lois.

Portés par une recherche constante et obstinée de la Liberté, ils marquent en effet d’une encre indélébile nos textes fondateurs. Liberté d’être et liberté de penser. Liberté face aux dieux, liberté face au destin, liberté face à la fatalité. En découlent l’obligation pour chacun de comprendre le monde, la vie et l’univers et l’obligation d’en apprendre et respecter les leçons. En découlent le droit de croire ou de ne pas croire, socle de notre laïcité. En découle la liberté de soigner les corps et les âmes pour échapper aux déterminismes. En découle la liberté d’aménager la nature en fonction des besoins, réels ou imaginaires.

On entrevoit bien, en notre vingt-et-unième siècle post-industriel, les limites de ces notions poussées à leur paroxysme lorsqu’elles ne sont pas accompagnées de leur corolaire, la responsabilité. Les lois de la nature, dont nous sommes évidemment partie intégrante, s’imposent à nous et nous obligent à pousser nos réflexions plus loin encore ou dans d’autres directions. Mais nous ne pourrons le faire en en refusant ou en oubliant les racines mêmes. C’est pourquoi on ne saurait ramener nos origines aux seuls Gaulois. Ce qui ne serait d’ailleurs guère judicieux quand on se souvient qu’il ne leur fallut que quelques siècles pour s’imprégner jusqu’au bout de la moustache de la culture gréco-juive et devenir de si braves chrétiens gallo-romains qu’ils en bâtirent la fille aînée de l’Église.

Avant, malgré tout, de s’en émanciper au point d’élever, il y un peu plus de deux cents ans, un Temple à la Raison. Ce qui devrait nous laisser, pour l’avenir, bien des choses à penser. (Lire "Le Destin de l’Occident" de Jacques Attali et Pierre-Henri Salfati aux éditions Fayard.)

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