Prurits et démangeaisons

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L’information n’est pas encore officielle mais chacun sait que c’en est fait. L’été est fini. Professeurs, maîtres, maîtresses et écoliers ont retrouvé le chemin des écoles, les citadins en transhumances estivales désertent les routes de campagne, les plages sont abandonnées aux nettoyeurs municipaux et les ruines touristiques aux retraités.

De leur côté, les hirondelles repartent vers leurs terres africaines, les bergeronnettes leurs pénates au Maroc et les fauvettes des jardins traversent en ce moment l’Espagne. Mais l’un des signes les plus éloquents de la fin de l’été reste la disparition du moustique. La puce est sauteuse, la punaise sournoise, le morpion dissimulé et la tique lymicide.

Le moustique, lui, est franc du collier. Il annonce toujours bruyamment ses intentions. Il accompagne d’abord les silences les plus profonds de vrombissements rageurs. On l’écarte, il revient. On le chasse, il insiste. On le poursuit, il esquive. Pour mieux réapparaître dès le calme revenu.

C’est que, non seulement le fauve pique les couennes les plus coriaces comme les dermes les plus délicats, mais il est assoiffé de sang. Sang bleu ou plébéien, sang de dame patronnesse ou de nymphe adolescente, sang de maçon, de charpentier ou sang de banquier ou d’épicier, il pique et boit. Le moustique est un fléau.

L’Homme, si l’évolution le lui avait permis, aurait sans aucun doute exterminé lui-même les dinosaures sans attendre un hypothétique météorite géant. Peut-être même a-t-il participé à la disparition des mammouths. Quoi qu’il en soit, il s’emploie désormais et avec une farouche détermination à exterminer les animaux sauvages de la surface de la Terre.

Il tolère encore quelques ornithorynques dans les fonds de l’Australie, quelques fourmis par-ci par-là et quelques varans à Komodo parce que le temps lui a manqué pour en venir à bout. Mais son opiniâtreté et sa persévérance n’ont d’égales que celles du bousier préparant le nid de sa future progéniture.

L’Homme aurait d’ailleurs déjà atteint des résultats significatifs au cours des quarante dernières années. Selon l’IUCN, il serait parvenu à éliminer près de la moitié des populations de poissons, de mammifères, d’amphibiens et de reptiles. Certains scientifiques parlent d’exécution de masse.

La tortue imbriquée, le pygargue de Madagascar, la gazelle de dama, le muriqui du nord, le gavial du Gange et le fugu ne seront plus bientôt qu’un souvenir dans les mémoires de plus en plus défaillantes des autochtones de leurs contrées respectives appelées, elles aussi d’ailleurs, à disparaître à leur tour. Et il ne faudra pas longtemps avant que les loups, les lions et nos cousins les orangs-outans ne subissent le même sort.

La biodiversité se meurt, la biodiversité est morte écrirait aujourd’hui le bon évêque de Meaux Mais l’Homme demeure impuissant face à la résistance du moustique. On dit même qu’il se porterait de mieux en mieux. Il fut une époque où l’on exhibait les animaux exotiques dans des zoos afin d’édifier le bon peuple et lui montrer combien la nature est prodigieuse et l’homme habile à la maîtriser. Le but est aujourd’hui de permettre leur survie dans l’espoir d’en conserver les richesses biologiques.

Hélas, l’Homme semblant vouloir se reproduire à l’infini, la place disponible sur notre petite planète pour les autres espèces animales deviendra de plus en plus rare. Et peut-être même faudra-t-il prévoir également des parcs zoologiques pour l’espèce humaine elle-même lorsque l’intelligence artificielle l’aura supplantée et que nous ne trouverons plus d’êtres humains à l’état naturel. Que deviendront alors les moustiques, les punaises, les puces et les cafards qui en vivent ? Voilà qui laisse bien des choses.

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