Résilience.

Photo

Comme toujours, les cloches de l’église ponctuent imperturbablement le temps. Le ciel est traversé des appels des pies et des corbeaux et les futaies galvanisées par les débats sans fin des tourterelles. Les vacanciers ayant regagné leurs pénates, le bourg ne résonne plus désormais que du tintamarre traditionnel qui anime la boulangerie-épicerie, des rumeurs qui s’échappent du "Dolmen", le café-restaurant de la place du "11 Novembre", des échos qui égaient la "Tabatière", le tabac-journaux de la Grand-rue, et des cris des enfants dans la cours de l’école à l’heure des récréations.

En un mot, hormis quelques éclats ici ou là, la vallée s’est replongée dans sa quiétude ordinaire. Quiétude trompeuse en réalité. Les cœurs et les esprits sont encore remués des drames et des comédies qui ont émaillé l’été. Ainsi Nicolas, le fils du commis boulanger, s’est-il cassé une jambe en sautant d’un arbre pour attraper le fils de la pharmacienne, son ennemi du jour.

Une famille picarde a coulé deux belles semaines de paix et de verdure au gîte rural du hameau de la Betoulle. Le père a prêté la main à la moisson. La mère a accompagné pas à pas la fermière du poulailler à la bergerie et du potager à la cuisine. Les deux filles se sont ennuyées à mourir. Légères et court vêtues comme il convient l’été à la campagne mais maquillées comme des starlettes en quête de micheton, elles ont beaucoup impressionné les jumelles de leurs hôtes. Le départ des premières a jeté les secondes dans un état de prostration proche de l’hébétude.

Leur tenue vestimentaire et leur comportement de petites dévergondées n’ont pas manqué, le jour de la rentrée, de faire sensation dans le car de transport scolaire qui les emportait au collège. Le gardien de l’étang, qui en assure l’entretien et enregistre les nuitées des camping-cars, s’est fait aider, cette année, par son fils Julien. Celui-ci a longtemps tenu sa tâche avec rigueur et conviction. Jusqu’à l’arrivée d’un couple de touristes descendus du Jura en compagnie de leur fille cadette.

La séparation à l’heure du retour fut déchirante et les bois avoisinants résonnent encore de leurs tendres serments. Joseph lui-même, l’homme de main, comme elle dit, de mon amie Marthe Dumas du mas du Goth, est encore tout tourneboulé de son aventure estivale. Il allait, il n’y a pas si longtemps, par les routes et les chemins. Grâce à son hôtesse, à sa patience et à sa gentillesse, il a pu retrouver une place dans notre société. Il élève aujourd’hui des pintades et des lapins et cultive quelques légumes bios qu’il vend sur les marchés des bourgs environnants.

C’est ainsi qu’il a rencontré une veuve à la taille accorte venue jouir de quelques jours de repos chez une cousine éloignée. Ils sympathisèrent. Il lui montra son élevage. Elle lui fit redécouvrir des ravissements oubliés. Jusqu’à l’arrivée de son mari, revêche et bedonnant, qui la remporta avec lui séance tenante ! Comment dépasseront-ils toutes et tous ces déconvenues traumatisantes ? Sauront-ils rebondir et retrouver une vie normale sinon même celle d’avant ?

Beaucoup ont vécu ces derniers mois des épreuves autrement difficiles. La mort violente d’un proche ou d’un être aimé, la mort lente et pernicieuse portée par la maladie, le désamour, l’indifférence. Peut-on oublier la souffrance ? Peut-on la domestiquer, l’apprivoiser ? Martin Gray avait survécu à l’insoutenable grâce à sa foi et à l’amour des autres. Plus proche de nous, Anne-Dauphine Juilland raconte son combat de mère dans son beau livre Deux Petits Pas sur le sable. Et beaucoup d’autres luttent aujourd’hui après avoir connu l’horreur des attentats.

Parce que et pour que la vie continue. Ils nous laissent, toutes et tous, bien des choses à penser.

Commentaires - تعليقات
Pas de commentaires - لا توجد تعليقات