Moi aussi, j’aime Hedi

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On a tant parlé, et dit du bien, de ce film que je ne sais pas quoi écrire. Bien sûr, je partage la plupart des critiques positives, voire enthousiastes, de ce petit chef d’œuvre aux allures d’histoire simple et banale. Bien sûr, j’ai été sensible à ce jeu d’acteurs tout en non-dits, où les émotions, contenues malgré leur force, n’ont jamais bouleversé, mais touchaient juste, rappelant au passage notre fraternité dans le vécu de l’oppression sociale ; et surtout l’oppression forte, difficile à combattre, d’une mère castratrice et omniprésente, admirablement, et également sobrement, interprétée par une actrice qui, à certains égards, représentait toutes nos mères, femmes de la méditerranée adorant leurs enfants au point de les voir craindre qu’ils respirent, le pourraient-ils sans leur aide ? Et comme était vraie l’exaspération contenue de Hedi, et celle, cachée celle de son frère qui feignait de jouer je jeu de sa mère !

Les acteurs, tous les acteurs, méritent d’être félicités, pour la force qu’ils ont su mettre dans leurs personnages, alors même qu’avec quelques mots, ils disaient tout de leur vie, de leurs angoisses, de leurs espoirs : c’est le metteur en scène Mohamed Ben Attia, qui était si présent qu’on ne percevait sa touche qu’à travers la vérité qu’il a su faire exprimer à ses acteurs, porteurs d’une histoire qui aurait pu être celle de n’importe lequel des spectateurs.

Certains ont vu dans ce film, dans l’itinéraire douloureux mais sans plainte de Hedi, une allégorie des jeunes Tunisiens emportés par une révolution dont ils ne savaient quoi faire. Il y a de cela aussi, parce qu’une œuvre contient toujours, en plus de ce que son auteur y met, tout ce que le regard de celui à qui elle s’adresse apporte de personnel, et plus ce regard enrichit l’œuvre, et plus est gagné le pari de l’auteur, devenu co-auteur par la magie du partage. Tout de ce jeune homme et de son environnement est dit dans ce film simple et profond, dominé par une sobriété qui donne d’autant plus de force aux mots.

Dans une situation de grande violence psychologique, il n’y a pas de violence visible, c’est à peine si le héros élève la voix pour exprimer sa révolte contre sa mère, et lui asséner quelques vérités auxquelles elle n’oppose qu’un pathétique : c’est pour ton bien.

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On est fasciné par la force et la détermination de la danseuse qui vit au jour le jour, repoussant ses angoisses, et initie Hedi à la fête, à la libération de son corps et de son cœur. En échange, on est pris de pitié pour la jolie petite fiancée dont l’horizon semble si limité : l’actrice a des accents si sincères quand elle dit ne pas comprendre les questions que lui pose Hedi sur ses rêves d’avenir !

Dans ce film où on rencontre sans s’attarder beaucoup de la vie et des problèmes des jeunes, et du pays, où la question du mariage, sorte de sésame pour la vie d’adulte, semble être vécue avec angoisse et où on ne présente aucune alternative, on est un peu surpris de la volonté du metteur en scène de ne rien décider ; mais peut-être la trêve apparente du mouvement de révolte de Hedi débouchera-t-elle sur d’autres décisions, puisqu’il a renoncé à son départ à l’étranger, à son mariage et à son travail : il a maintenant la vie devant lui.

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Omar Aloulou

A part la mise en scène dont je pense le plus grand bien, il faut dire que le parti-pris de sobriété a été partagé aussi par Omar Aloulou, l’auteur de la musique du film qui a fait dans la discrétion, sa musique faisant corps avec les autres sons au point d’être à peine perceptible.

Si on doit dire ce qui fait le plus de plaisir, à part d’avoir passé le temps du film avec des gens attachants et proches, c’est la certitude qu’il y a d’énormes réservoirs de talents dans notre pays, dans sa jeunesse, et que, malgré les lourdeurs et les inerties venant du passé, il y aussi des gens comme la productrice Dorra Bouchoucha, qui savent faire confiance à ces jeunes : les metteurs en scène, les acteurs, les techniciens, les musiciens d’aujourd’hui, hier inconnus, auront marqué cette nouvelle histoire du cinéma de notre pays, qui est aussi la nouvelle histoire de la Tunisie.


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