La bataille à mener est politique

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Le combat des militants attachés aux changements positifs de la situation des masses populaires, à la justice sociale, à l’égalité, etc., est un combat essentiellement politique. Il devrait être guidé, orienté, critiqué, rectifié… par les soubassements théoriques de la formation traditionnelle de ces militants, qui n’adoptent en principe pas des positions au hasard, mais en fonction de leurs analyses théoriques.

Au cours de ce combat, ces militants vont rencontrer de nombreux adversaires, pas seulement ceux qui ont des intérêts à défendre dans la société, mais tous ceux qui, par ignorance, par paresse intellectuelle ou simplement par imprégnation idéologique, défendent des positions absurdes, réactionnaires ou inconsistantes.

Le pire, dans ce genre de cas, est de tomber dans les pièges de ceux qui partent de postures morales pour faire passer le débat sur les positions politiques des uns ou des autres à des discussions internes à la morale, religieuse – cela devient des controverses théologiques – ou laïque – c’est alors un dialogue de sourds.

Ainsi, que les islamistes s’appuient sur la religion, sur la morale et l’idéologie de leur religion, quoi de plus normal ? C’est là un raccourci facile pour banaliser leurs véritables objectifs, des objectifs politiques de pouvoir : ils peuvent parler à l’infini de califat et de société basée sur la chariaa, la vérité est qu’ils entendent gouverner une société moderne, appuyée sur les technologies d’aujourd’hui et reproduisant pour l’essentiel les sociétés de parti unique comme l’a prouvé la pratique de leurs semblables en Iran.

L’idéologie de ce parti unique, de la société qu’ils préconisent, est une idéologie religieuse, c’est-à-dire qu’ils veulent appuyer la dictature en projet de leur futur parti unique sur la religion, qu’ils estiment le meilleur moyen de faire accepter par les masses aveuglées le maintien de leur situation…

Les adversaires tunisiens de l’islamisme justifient leur opposition par leur refus du projet de société des islamistes, et se battent pied à pied contre toutes les avancées de ce projet. Cela est très bien, mais ce combat reste sur le plan idéologique et moral : les islamistes disent vouloir voir leurs revendications satisfaites, même sans changement de régime, ils disent vouloir la ré-islamisation de la société et se placent au fond ainsi en contre-réformateurs.

Du coup, leurs adversaires se situent en défenseurs des réformes ; de là à se regrouper autour des forces qui se réclament de ces réformes, réalisées ou en projet, il n’y a qu’un pas que beaucoup ont franchi et franchiront à nouveau dans l’avenir.

Tant que la bataille se déroule sur le terrain du projet de société, c’est-à-dire sur le plan idéologique, et sur un plan idéologique de type bourgeois, les militants pour la justice sociale ne peuvent avancer de revendication ou de projet autonome, ils seront toujours à la traîne, et à la merci, des dirigeants destouriens ou post-destouriens, contre-révolutionnaires avérés, capables comme à leur accoutumée de tous les retournements.

Le changement de la situation en Tunisie ne s’est pas fait sur la base d’une révolte morale ou religieuse, mais sur celle de revendications politiques, par la lutte politique contre un système de gouvernement rejeté, celui d’un État de parti unique, c’est-à-dire d’un État, émanation et outil de ce parti…

Les militants réellement démocrates et laïcs devraient, pour récupérer leur autonomie, et pour lutter efficacement, se situer sur le plan politique, sur celui des mesures concrètes à prendre pour consolider la révolution, lui donner un contenu conforme à ses aspirations et satisfaire les revendication des révolutionnaires : cela leur permettrait de ne pas faire le jeu des pseudo-héritiers de Bourguiba, qui s’opposent à tout pas en avant du pays.

En somme, il faut prendre acte de la révolution, s’en faire les défenseurs, le montrer tous les jours, et cesser de laisser le champ libre aux islamistes : la révolution leur a permis de sortir de la clandestinité et d’exister au grand jour, mais elle ne leur doit rien, au contraire, à eux qui ont bénéficié de la liberté qu’a apporté le mouvement victorieux de la jeunesse ; ils jouent sur leur soi-disant attachement à elle, mais ils ne font que la déconsidérer, en substituant leurs pratiques politiciennes ou semblables à celles des rcdistes aux objectifs qui étaient ceux de la mobilisation de janvier 2011.

Car la seule alternative à l’État de parti unique, un État par essence centralisé et extérieur au peuple, voire son ennemi, est une véritable démocratie qui donne le pouvoir au peuple. Et pour cela, il faut que la décentralisation proclamée dans la constitution devienne une réalité et aille jusqu’au bout, au-delà des intentions qui se dégagent chez la plupart des candidats aux prochaines élections municipales ; c’est la voie qu’a indiquée la révolution, qu’il faut d’abord reconnaître pour telle.

Cela suppose d’abord de revenir à une activité de réflexion et de débats théoriques, comme le faisaient les précurseurs de ces militants : avant de définir une ligne politique, ils en éclairaient les fondements théoriques, ce que l’on ne voit plus guère de nos jours.

Il sera alors possible de réfléchir aux caractéristiques de cette révolution, et surtout, en cessant de se prendre pour une direction légitime, de faire confiance à la jeunesse, à sa créativité, à sa capacité de comprendre et résoudre les questions qui la concernent, pour autant qu’on mette à sa disposition tous les instruments, théoriques, politiques et historiques qui lui permettront de le faire…

S’il peut y avoir une gauche, elle sera composée de celles et ceux qui sont prêts à se mettre, eux et les expériences qu’ils ont faites, à la disposition de cette jeunesse,

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