J'avoue ma perplexité devant la colère, pour ne pas dire plus, qui caractérise la plupart des statuts qui dénoncent les habitants de Jemna : sont-ils si attachés à l'existence et au prestige d'un Etat fort qu'ils ne voient dans tout ce qui c'est produit qu'une atteinte à cet Etat ?
Les tergiversations et les atermoiements des responsables qui avaient couvert la "location" accordée par Ben Ali ont été contrés par la mobilisation de la population ? Cela est-il ou non une bonne chose que des agissements irresponsables et illégaux de responsables corrompus ou incapables de faire respecter la loi soient annulés, par une mobilisation populaire faute d'une intervention étatique ?
On répète sur tous les tons des mensonges, visiblement lancés par les véritables ennemis de l'Etat de droit, selon lesquels, derrière cette mobilisation, il y aurait tel ou tel groupement politique, bien sûr islamiste.
Outre que cela est faux, ne devrait-on pas, au lieu de critiquer ceux qui défendent la population contre la corruption, demander à tous les partis politiques de prendre position dans le même sens ? Ne devrait-on pas, si l'on est soucieux du prestige de l'Etat, demander à celui-ci, en ouvrant des négociations avec ceux qui ont, non pas usurpé la terre, mais l'ont fertilisée, lui ont fait produire plus, trouver avec eux des arrangements conformes au droit et aux principes de la révolution : pas de corruption, ni de privilèges, mais récompenser le travail. Et ainsi rétablir le prestige d'un Etat qui serait reconnu comme soucieux des intérêts et des opinions de son peuple ?
Alors, je le répète, je suis très dérangé par tous ces gens qui, sous prétexte de défendre un Etat qui a hérité de certaines pratiques de son prédécesseur renversé, déversent des flots de haine contre des gens qui n'ont fait que se rendre responsables de produire la richesse que la corruption ne permettait pas.
Sommes-nous tombés à ce point que nous ne réfléchissons plus, qu'il suffit d'agiter un chiffon rouge devant nos yeux pour nous faire foncer dans le tas ?