Le vieux renard, qui avait eu tout ce qu’il avait espéré dans sa vie, se désolait de ne pas pouvoir transmettre toutes ses richesses à son fils. « Il faut, se disait-il, pour qu’il arrive quelque part, éliminer ceux qui, plus intelligents ou meilleurs manœuvriers, et ils sont nombreux dans ce cas, lui barrent la route du pouvoir. » En premier, ce jeune zèbre qu’il avait imprudemment chargé de responsabilités et qui ne cessait de caracoler pour se faire bien voir.
Il se souvint qu’il avait pris conseil auprès d’un vautour que peu de ses sujets pensaient honnête, mais qui lui avait en son temps suggéré l’alliance avec ses pires ennemis, alliance qu’il estimait lui avoir été propice… Il l’appela donc et lui confia ses inquiétudes.
Ayant longuement réfléchi, le vautour proposa la solution suivante : il se plaindrait auprès des gardiens des lois d’intentions criminelles du zèbre, ce qui, selon lui le déconsidérerait auprès des animaux. Mais, pour que la dénonciation soit crédible, il faudrait que lui, le vautour ait une responsabilité très importante à la Cour, par exemple, chef des partisans du renard.
Celui-ci acquiesça à tout et le nouveau chef des partisans du renard prit ses fonctions, non sans quelques froncements de sourcils d’autres partisans qui murmuraient des accusations diverses à l’encontre du nouvel allié, qui leur avait dans le passé manifesté une certaine hostilité.
Mais on n’avait pas l’habitude, à la Cour, de contester longtemps les décisions du renard, et les murmures s’apaisèrent après que le vautour eût tenu sa promesse et déposé sa plainte contre le zèbre.
Tous les oiseaux-parleurs furent rapidement mobilisés pour populariser l’indignation du Palais contre le chambellan dont on faisait plus qu’insinuer l’immonde traîtrise.
Las ! Une semaine n’était pas passée que l’on apprit, avec stupéfaction chez les uns, avec satisfaction chez d’autres qui avaient prévu un tel dénouement, que le vautour s’était envolé vers d’autres cieux et qu’il ne semblait pas près de regagner son nid : il fuyait en effet d’autres convocation chez les gardiens de la Loi, il avait à répondre d’autres délits.
On dit dans la jungle qu’au cours d’une discussion un peu orageuse, le renardeau aurait dit, goguenard, à son géniteur : « Tu me dis toujours que je suis bête ! Je me demande si ce n’est pas héréditaire ! »