Nous en sommes à la deuxième série des auditions. J'espère qu'il y en aura encore beaucoup, et il y en aura sûrement tant le passé de ce peuple et surtout celui de ceux qui l'ont gouverné a été trouble et cruel.
Lever le voile sur cette opacité est non seulement un devoir de mémoire mais aussi un acte de courage et d'exorcisme. Qui d'entre nous n'a pas été bouleversé par l'immensité de la souffrance d'une large fraction du peuple tunisien déjà depuis les fondations, depuis l'indépendance ? Qui d'entre nous n'a pas été interpellé et sa conscience écorchée par nos petites lâchetés au moment où polices et tortionnaires sévissaient ?
Bien sûr, certains tunisiens ne se sentent pas concernés et sont plutôt dans le déni et, suprême injure, dans la dérision. Ceux-là "les légitimistes" sont toujours du côté du manche et serviraient même le diable en y trouvant mille raisons et arguments pourvu qu'ils y préservent leurs médiocres et petits intérêts.
Il était oh combien monstrueux de voir non seulement comment on brisait dans les geôles des êtres humains mais combien était encore plus monstrueuse l'organisation de la mort sociale de toute la famille et des proches des victimes.
Femmes et enfants, parents et parentèle empêchés de travail, d'éducation, de déplacements ... l'enfer au quotidien, le supplice collectif.
Hier nous avons écouté un ambassadeur nous démonter pan par pan comment la diplomatie, la justice, l'information, les rouages de l'état étaient gangrenés par la corruption et asservis par des brigands de toute espèce. Nous avons touché de très près jusqu'où peut aller la déliquescence du service de l'état.
Le plus terrible, le plus ignominieux c'est que la révolution n'y a rien fait et pour cause ceux qui étaient hier à la barre sont toujours aux commandes. On peut dès lors comprendre pourquoi les "officiels" en charge le l'état en ce moment ne se montrent point dans ces auditions et font tout leur possible et par tous les relais pour escamoter ces auditions.
Il faut encore une fois rendre hommage à tous les plaignants qui sont venus témoigner et qui ont encore et encore répété qu'ils ne recherchaient pas les compensations matérielles. Leur dignité nous a touchés, nous a bouleversés. Je pense particulièrement à cet officier supérieur, brisé par la torture, qui riait aux éclats.
L'IVD écrit audition après audition un pan de l'histoire de la Tunisie ,la page sombre et le vrai faciès de la dictature. Les tunisiens pour la première fois s'instruisent.