Tout près de la forteresse Pierre et Paul, juste face au palais d'hiver, le croiseur Aurore est amarré à un quai de la Neva. La légende raconte que c'est au signal, le coup de canon de L'Aurore, que des vagues humaines du peuple insurgé de Petrograd déferlèrent sur le palais d'hiver, instant romantique et acte fondateur de la grande révolution d'octobre, chantée par les marxistes de la terre entière. En l'an de grâce 1917, "le grand soir" avait balayé l'ordre ancien.
Ainsi John Reed, dans sa monumentale chronique d'octobre : " 10 jours qui ébranlèrent le monde " raconte l'épopée qui fut encore plus magnifiée 10 ans après par le propagandiste zélé et génial cinéaste Eisenstein dans son film culte " octobre".
En fait la vérité est plus prosaïque. Des vagues humaines ce ne fut qu'une poignée de miliciens armés qui s'empara d’un palais désert défendu par une escouade de "junkers», des enfants soldats. On raconte même, Trotski lui-même l'a rapporté, que la rumeur s'était répandue que les caves du palais d'hiver étaient pleines de spiritueux et surtout de vodka, la Russie était à l'époque sous le régime de la prohibition.
Le grand événement, " le grand soir", passa quasi inaperçu et l'événement dit-on était à l'opéra où le grand Chaliapine chantait et, comble de l'ironie, le coup de boulet de l'Aurore était un coup à blanc....mais qu'importe quand la légende est plus belle que les faits historiques, on n'écrit et on ne retient que la légende.
Aujourd'hui, le croiseur Aurore est le bâtiment le plus prestigieux de la marine russe. Il aura traversé le 20ème siècle, aura vu deux guerres et deux révolutions, connu les fastes de l'empire, le temps des soviets et le période actuelle. Désarmé, repeint à neuf il est aujourd'hui un musée. Les touristes sont nombreux sur son quai, sur son pont, ses soutes et surtout auprès de son canon de proue. Tous, comme moi, viennent respirer un parfum "d'octobre», le parfum de la révolution qui ébranla effectivement le monde.
À Saint-Pétersbourg,le palais Youssoupof , là où fut assassiné le moine maudit :Raspoutine
Le palais Youssoupof est fastueux. Il a appartenu à une grande famille princière de la très haute noblesse russe : la famille Youssoupof.
Les Youssoupof étaient très bien établis, immensément riches, ils s’enorgueillissaient de leurs racines nobles qu'ils faisaient remonter à la "horde d'or" et jusqu'au prophète Mohamed, d'où, semble-t-il leur patronyme.
Le palais lui-même est une merveille de luxe et d'apparat au style baroque flamboyant. Le palais comporte au rez-de-chaussée un bijou, un salon somptueux, le salon mauresque, une merveille absolue que les Youssoupof voulaient une réplique des salons d" El Hambra".
Les touristes sont très, très nombreux au palais Youssoupof. L'immense majorité y vient pour visiter le sous-sol, là où fut assassiné Raspoutine et où la scène est reconstituée avec des mannequins de cire.
Tout le monde connaît l'histoire de ce moine débauché qui s'insinua dans les bonnes grâces de la famille impériale et surtout de l'impératrice, femme influençable mais surtout mère meurtrie par la maladie de son fils le tsarévitch Alexis, né hémophile. Le tort qu'il porta au Romanof fut considérable
Le prince Alexis Youssoupof raconte dans ses mémoires, parues à Paris dans les années 50 "avant l'exil" que lui même, le grand duc Dimitri, cousin du tsar et quelques proches, attirèrent Raspoutine au sous-sol du palais où il fut empoisonné mais le poison n'ayant aucun effet sur lui, Ils tirèrent sur lui plusieurs coup de feu et le rouèrent de coups de barre de fer sur la tête puis le jetèrent dans la rivière glacée. L'autopsie révéla, par la suite, un geste moins héroïque : Raspoutine était mort tout simplement d'hypothermie. Le poison était mal dosé, les coups de feu maladroitement portés.
Ceci se passa en 1916.
En 1917, éclata la révolution qui fit table rase de la noblesse et des palais princiers. Le palais Youssoupof est aujourd'hui ouvert au public, utilisé comme palais de la culture et de musée consacré au mode de vie de la noblesse russe avant les révolutions.
Les haleurs de la Volga.
Au musée russe de Saint-Pétersbourg est accroché le célébrissime tableau "les haleurs de la Volga" de Ilya Rupine peint à la fin du 19ème siècle. Le peintre s'est inspiré d'un chant traditionnel russe : "les bateliers de la Volga». Ces derniers étaient des paysans misérables qui s'offraient à la journée pour tracter à contre courant les bateaux sur la Volga. Le tableau de Rupine représente l'effroyable condition de la paysannerie russe sous le régime tsariste.
Il illustre l'archétype de la souffrance du peuple russe, cette capacité d'endurance si extraordinaire qui fait partie de " l'âme russe», sur laquelle ont beaucoup écrits les auteurs russes, Tolstoï et Dostoïevski en particulier.
Le tableau de Rupine a inspiré de nombreux artistes et le chant lui-même a été repris sous différentes formes musicales, symphonique par Stravinsky, sous forme d'une merveilleuse partition pour piano par Manuel de Falla. Il existe même une version swing par Glenn Miller et bien-sûr l'extraordinaire mélopée des chœurs de l'armée rouge.