Un peu de pédagogie....
Le fait contre-révolutionnaire a besoin d'un climat de crise multiforme pour s'épanouir et d'une cible(en l’occurrence Ennahdha) qui lui sert de prétexte pour démanteler le chapiteau démocratique d'autant plus que la base de ce chapiteau est friable et que toute la construction repose sur des sables mouvants.
Imaginer qu'un peuple, y compris son élite, puisse du jour au lendemain s'habituer à la démocratie alors que tout au long de son histoire millénaire il a été gouverné par des régimes tyranniques : les diverses monarchies, le régime colonial, Bourguiba et Ben Ali ...est un leurre...L'Etat, ses institutions, son administration, ses relais avaient un mode de fonctionnement fondé sur l'allégeance au despote, la soumission et l'obéissance…
La servitude plus qu'une mentalité est une culture avec ses talismans, ses fétiches, ses rituels et ses prêtres...Elle dispense l'individu de son libre-arbitre...c'est une école d'abrutissement en ce sens qu'elle dispense le citoyen de réfléchir, de penser, de critiquer, de se prendre en charge et de se libérer du joug du pouvoir tutélaire, pouvoir castrateur, inhibiteur et infantilisant....au point que le citoyen asservi et avili par son impuissance consentie et assumée ne s'adapte qu'à un système où il se sent protégé par le tyran qu'il craint et qui lui inspire un sentiment de force dont il a été dépouillé. Il se projette dans l'image du despote à qui il cède sa liberté en échange d'un simulacre de sécurité…
Dans l'inconscient collectif des peuples asservis, l'absence de la figure du père omnipotent, tutélaire et autoritaire est associée au désordre, à l'anarchie, à l'indiscipline et à la déchéance si bien que ce manque suscite désarroi et inquiétude et cela conduit inéluctablement à une quête douloureuse de cette autorité pour revenir à l'ordre "naturel" des choses....
Tout le travail de sape de la contre-révolution consiste à renforcer et accentuer ce sentiment d'insécurité pour que la demande soit pressante et pour que « le sauveur » apparaisse miraculeusement pour instaurer l’ordre, la sécurité et la discipline saccagés par la démocratie.
Les manœuvres les plus sournoises, les alliances les plus suspectes, les connivences les plus paradoxales ont contribué au pourrissement planifié du climat politique, social et économique , rendant presque impossible toute action de redressement économique susceptible de combattre les fléaux sociaux endémiques que sont le chômage, les inégalités sociales et régionales et les lourdeurs d’un système bureaucratique archaïque, désuet, plombé par toutes les formes de corruption et séquestré depuis la Révolution par des forces syndicales hostiles à toute réforme de l’administration et à sa modernisation.
Dans ce climat délétère, propice à tous les excès, ont prospéré corporatisme, clientélisme, contrebande, délits économiques et financiers, fraude fiscale, revendications salariales, sabotages divers, protestations sociales tantôt légitimes tantôt téléguidés par les lobbies mafieux liés à l’ancien régime, en somme, un ensemble d’actions synchronisées visant à affaiblir l’Etat et à saborder la transition démocratique…
Ce à quoi nous assistons aujourd’hui est l’aboutissement de ce long processus de décomposition du système démocratique inauguré après l’adoption de la nouvelle Constitution 2014 et sa remise en question par ceux qui ont œuvré pour un retour d’un régime présidentiel autoritaire…Fait inédit dans l’histoire politique contemporaine de la Tunisie, l’intrusion des militaires dans le cœur de l’Etat et une militarisation rampante de celui-ci…Fait inédit et dangereux.