Les grandes mutations sociales et économiques entrainent souvent dans leur sillage des formes brutales, exacerbées de changements radicaux dans les mœurs et les comportements ce qui concourt soit à une évolution positive des mentalités soit à une régression consternante de celles-ci.
L’espoir, bien naïf, était de considérer que l’après 14 Janvier 2011 allait enfin libérer non seulement la parole mais la réflexion, le raisonnement, la pensée au sens philosophique et esthétique du terme, que l’art, enfin exonéré du joug inhibiteur de la dictature allait emprunter des voies jusque là inexplorées et que fort de cette liberté fraichement acquise, toutes ses expressions allaient se débarrasser, se défaire des formes les plus folkloriques, les plus mercantiles et les plus carnavalesques qui les avaient caractérisées jusque-là !
Or, force est de constater que l’inertie, l’immobilisme et l’absence d’audace ont manifestement plombé le secteur culturel si bien qu’il est demeuré très en retrait par rapport aux avancées politiques et démocratiques.
Secteur moribond, à l’agonie où écument des prédateurs et des caïmans, des serpents à sornettes et des fripons, des coquins et des flibustiers, des catins et des proxénètes, des starlettes de cabaret et des croupiers de casino, des charlatans et des bouffons dont l’unique raison d’être est l’argent et le buzz…Une vraie foire d’empoigne où pullulent des être falots, insignifiants, des ignares siliconés et botoxés et des voyous loufoques et imbéciles.
Les quelques expériences qui méritent audience et respect sont repoussées par le ministère de tutelle, habité depuis la dictature par une bureaucratie inculte et par la mafia de la culture, celle qui n’alloue des budgets qu’à ses fantassins et à son armée de faux artistes, de faux cinéastes et de faux intellectuels, la règle qui prévaut dans les corridors obscurs de ce ministère sans vision ni stratégie est celle du copinage, des réseaux infestés par les vieux maquereaux de la culture tunisienne, des allégeances aux clans qui ont pignon sur rue et qui craignent l’excellence parce qu’elle va révéler leur médiocrité et leur petitesse.
Ce qui est triste et affligeant, ce qui est pathétique, c’est que la culture en Tunisie au lieu d’élever l’esprit, de le nourrir de ces petites choses merveilleuses qui font frémir l’âme, le rabaisse en permanence, le torture constamment, le soumet avec une violence inouïe à la dictature de la bêtise élevée au rang de dogme.
Infantiliser le peuple encore et toujours, lui renvoyer une image de lui-même fort avilissante, extrêmement humiliante, dégradante au point où le tunisien semble être hanté par tous les vices, au point où l’on incruste en lui le mépris de soi…Cela ressemble à s’y méprendre à une faute à expier, celle d’être né dans un pays où l’intelligence, le bon goût, la créativité , la passion sont autant de péchés que les médiocres doivent combattre pour continuer à sévir et profiter des largesses de plus médiocres qu’eux, ces mécènes arrivistes, ces riches parvenus qui sont à l’art ce que Chopin était à l’imbécillité commune et babillarde !
Ce que nous déplorons, c’est que les rares vrais intellectuels, les rares vrais écrivains, les rares vrais artistes, les rares vrais philosophes sont passifs, voire apathiques et qu’ils ne contestent pas l’hégémonie de cette crasse culturelle héritée de la jachère novembriste.
Au lieu de former une alternative sérieuse et crédible susceptible de mettre fin au triomphe des crétins et de cette légion de sangsues, au lieu d’affronter avec force et détermination cette déferlante infecte et abjecte et de la neutraliser définitivement, ces talents ignorés et ensevelis, ces génies castrés, préfèrent la veulerie du silence à la grandeur des combats épiques !
Notre tort c’est d’avoir raté le coche un certain 14 Janvier 2011, quand il fallait tout démanteler car il n’existe pas de révolution sans ruptures significatives avec tout ce qui est notoirement laid, disgracieux, vicieux, corrompu, inintelligent, mesquin et vénal.
Or, nous avons chassé du temple le vilain sorcier kleptocrate et illettré mais nous avons conservé tel quel son système, ses serfs, ses courtisans, ses faussaires, une indulgence coupable dont nous subissons de plein fouet les effets nocifs et pervers !
Parfois, Je suis émerveillé, carrément époustouflé, à chaque fois où j'entends des sous-fifres (et je suis indulgent) s'autocongratuler avec tendresse et bienveillance envers soi-même au lieu de s'autoflageller publiquement, acte de contrition qu'ils se doivent d'accomplir afin d'obtenir notre pardon.
L'arrogance des médiocres et des nains m'a toujours terrorisé au point où je me demande si ces réseaux maléfiques qui gouvernent la camelote culturelle tunisienne, avec l'appui des merdias mafieux , ont, ne serait-ce qu'une once de dignité, pour vomir leurs boyaux quand ils regardent ce qui est censé être un produit culturel ou de divertissement alors qu'en réalité c'est une soupe à la grimace infecte, incomestible et vulgaire, une espèce de boursouflure inesthétique et grotesque dont le seul intérêt, en l'occurrence répugnant, consiste à abrutir et à avilir ce qui est déjà en soi inconsistant!!!!