Nos illustres sondeurs sont de braves illusionnistes, ils ont cette capacité d’interpeller les personnes sondées sur des projets politiques inexistants, sur des partis politiques fantomatiques, sur des faits fictifs, imaginaires et le comble c’est qu’ils publient leurs sondages en octroyant la première place selon les intentions de vote des personnes sondées au Parti du Président sans que ce parti n’ait d’existence légale.
Cependant, ce genre de conditionnement ou de manipulation n’est pas inédit, ce n’est point une nouvelle tendance, en effet , bien avant les élections législatives de 2019 et avant même que Nabil Karoui n’eût décidé de créer son parti politique, apparaissait déjà dans les sondages le parti de Nabil Karoui, devançant ainsi ses intentions, supposées ou réelles, et conditionnant l’opinion publique afin que celle-ci intègre dans son logiciel électoral le parti de Nabil Karoui d’autant plus que les intentions de vote le créditaient de 30% des voix.
Et rebelote, sans que l’on sache dans la situation ubuesque que nous vivons aujourd’hui s’il y a des élections législatives et quand elles auront lieu et si elles auront lieu, nos instituts de sondage publient régulièrement les intentions de vote d’électeurs abusés et désabusés, et mentionnent en tête des élections législatives le parti de Kaïs Saïd, talonné par celui de Abir Moussi.
Or, à notre connaissance, Kaïs Saied s’est présenté aux élections présidentielles sur la base d’un slogan populiste qui dépouille les partis politiques de toute légitimité, il n’a jamais caché en l’occurrence son hostilité envers la démocratie représentative et son pendant naturel, les partis politiques, il n’a jamais raté une occasion pour stigmatiser la partitocratie et critiquer ses relations incestueuses avec les lobbies économiques et financiers et son assujettissement par des forces occultes à caractère mafieux.
En outre, il n’a jamais cessé de répéter qu’il n’a pas l’intention de créer un parti politique et que son programme était celui du peuple et qu’il se soumettait uniquement à la volonté du peuple.
Aurait-il changé d’avis sans que l’on n'en soit informé, a-t-il communiqué son désir de fonder un parti politique aux instituts de sondage ou bien ceux-ci ont-ils appris que cette éventualité est bien plus qu’une simple hypothèse ???
En réalité, le mystère n’en est pas un, si l’on tient compte du précédent Nabil Karoui, d’autant plus que la coalition Saied-Moussi fonctionne déjà à merveille et que probablement il existe un accord tacite entre populisme et fascisme pour gouverner durablement la Tunisie et faire renaître de ses cendres le défunt RCD…car, les deux pêchent dans les mêmes eaux et s’adressent aux mêmes électeurs …
Cela en effet n’a rien de surprenant, il suffit d’observer que tous ceux qui ont voté Nabil Karoui, Nidaa Tounès, Kalb Tounès et Abir Moussi soutiennent aujourd’hui et en masse Kaïs Saied dans sa dérive putschiste alors que jadis ils le traitaient de salafiste, de daechien, de conservateur et d’islamo-fasciste.
Ce changement de cap ne s’explique pas seulement par leur haine envers Ennahdha, il y a un peu de cela, mais ce n’est pas le seul motif. En réalité et en dépit de l’inquiétude qu’ils affichent ponctuellement en relation avec le projet politique de Kaïs Saied, ils estiment que Saied est désormais l’instrument de l’ancien régime et qu’à ce titre il faut appuyer son coup d’État en attendant de soulever les questions qui fâchent quand ce coup d’État aura réussi.
On ne doute pas que les destouriens ne sont enchantés ni par le projet politique de Ridha Lénine ni par les lubies de Kaïs Saied, personnage qu’ils jugent dans l’intimité de leurs conversations loufoque, exotique, versatile et peu fréquentable et probablement dangereux, cela va à l’encontre de leur culture politique et de leurs relations internationales, cela va à l’encontre aussi de leurs intérêts et de l’intérêt des lobbies économiques auxquels ils sont soumis et par lesquels ils sont financés.Leur opportunisme atavique n’est point stupide au point de cautionner un changement radical de l’Etat et de ses institutions , changement qu’ils craignent par ailleurs parce qu’il leur confisque les leviers de commande qu’ils détiennent encore grâce aux divers relais et réseaux dont ils disposent et dont la disparition signerait leur arrêt de mort politique.
Tôt ou tard cette contradiction fondamentale éclatera au grand jour et nous assistons déjà aux prémices d’une lutte sans merci entre les rcédéistes vieille souche et les saïdistes purs et durs, ceux qui ont cru, peut-être naïvement, en la bonne foi de Saied, cette fracture inéluctable nous permettra de discerner le bon grain de l’ivraie et de répondre à la question suivante : qui était derrière le 25 juillet et si ce 25 juillet n’inaugure pas la fin du processus démocratique et le retour à la dictature destourienne ???
A l’évidence , nombreux seront les perdants dans cette partie de poker menteur et dès que le mystère sera élucidé, les remords ne serviront plus à grand-chose, car, le mois de novembre en Tunisie a été par le passé propice aux grandes impostures dont ont été victimes les naïfs et les crédules.