Non, ce n’est pas une provocation même si elle en a l’air et nonobstant le fait que je n’ai aucune certitude sur le sujet dont la simple évocation soulève en moi inquiétude et tourment voire écœurement !
Mais l’hypothèse, quoi qu’audacieuse, repose sur l’observation du comportement d’une bonne proportion des Tunisiens après le coup d’Etat, car c’en est un, du 25 Juillet 2021. Ils étaient hélas nombreux à fustiger la démocratie, l’accablant de tous les torts, alors que celle-ci est étrangère au fiasco politique et économique planifié et exécuté par les vestiges de la dictature novembriste et par leurs relais dans l’administration publique, le syndicat, les médias et les officines à caractère culturel ou assimilé.
Cette cabale contre la révolution fut longue et nécessita de vastes alliances, parfois paradoxales, ainsi que la constitution de réseaux financés par les lobbies mafieux et par des pays étrangers dont l’influence s’avéra propice à l’embrigadement d’une partie de la société et à son conditionnement par le recours massif à la propagande, à l’intox et aux mensonges.
Le populisme s’installa progressivement en Tunisie , encouragé par les tendances fascisantes qui existaient préalablement dans la société et qui se manifestèrent avec plus d’acuité et moins de pudeur d’abord avec Abir Moussi, ensuite avec Kaïs Saied.
Tous les ingrédients nécessaires pour façonner une opinion publique rétive à la démocratie et prête à renouer avec le passé tyrannique furent conviés au débat : rejet de l’autre, haine de l’autre, mépris de l’autre, extériorisation indécente d’une violence refoulée mais qui devint babillarde avec l’accession à la magistrature suprême de Kaïs Saied, fort d’un vote plébiscitaire dont il ne comprit ni sens ni portée mais qui va accroitre la propension de l’homme à vouloir écarter tous ses rivaux à l’égard desquels il éprouvait répulsion et mépris, tous sans exception.
Chose étrange, bien que le personnage soit folklorique dans son attitude souvent grotesque et pathétique dans ses discours à la Mussolini fondés sur l’invective, le dénigrement et l’insulte, il vit sa popularité monter en flèche à cause justement de cette arrogance qu’il affichait à l’égard de toute la classe politique , devenue cette proie qui recueillait quotidiennement ses quolibets et dont il se saisissait à chaque occasion pour l’avilir davantage.
Il usait de ce ton hautain et de ce verbiage beaucoup plus proche du borborygme que du raisonnement sain et cohérent pour asseoir son autorité et affaiblir ses adversaires. Ces procédés toujours clivants avaient l’heur de plaire aux fascistes refoulés, pour la plupart issus de la haute , moyenne et petite bourgeoisie, résidents des quartiers cossus, francophiles et en rupture de ban avec une démocratisation de la société qu’ils peinaient à concevoir car elle risquait de leur ôter les privilèges qu’ils avaient à l’époque où ils formaient le cénacle des courtisans de Ben Ali.
Ceux-là avaient une dent contre la révolution sur laquelle ils versaient abondamment leur fiel, l’associant tantôt à la révolution des gueux et des misérables, tantôt à celle des « terroristes islamistes » des « daechiens » venus coloniser « leur pays »…
Oui, leur mode de vie occidental était , selon eux, en danger et il fallait en découdre avec cette « horde sauvage » étrangère aux « mœurs » de la Tunisie qui avait ignoré pendant des décennies l’autre Tunisie, celle des régions pauvres, maltraitées et domestiquées par les régions riches et apprivoisées par la dictature.
La Tunisie des « gueux » était vilipendée et on lui reprochait de s’être décomplexée vis-à-vis des maitres et seigneurs du pays.
Ce que ces tunisiens espèrent, sans se l’avouer , car c’est moralement malsain, c’est que Saied ramène de l’ordre à la maison et qu’il soit assez implacable dans son combat contre « ces intrus » , ces êtres bizarres et incommodes , mal habillés et mal rasés, à l’accent étrange et aux comportements suspects , qui ont envahi les rues de leur « belle Tunisie » et qui ont souillé son image de marque. Oui, ils sont moins Tunisiens qu’eux et en usant à leur égard d’épithètes dégradantes, ils cherchent à les dépouiller de leur citoyenneté , revendiquant et légitimant ainsi leur droit de les bannir de la société et de pratiquer, si l’occasion se présente, des pogroms.
Le fait d’avilir constamment une personne rend possible tous les excès et toutes les cruautés, la morale s’abstient alors de juger un mal, qui en se répandant, devient anodin.
La différence, c’est que Zemmour en veut uniquement aux étrangers et principalement les arabes et les musulmans, alors qu’eux en veulent à leurs concitoyens…différence qui peut le rendre inéligible en Tunisie , il reste quand même un petit espoir…si ces tunisiens pouvaient voter en France, ils choisiraient Zemmour , car plus c’est abject, plus c’est fasciste, plus c’est violent, plus c’est viril…plus ils apprécient cela.
Oui, il existe de ces laideurs morales dont on ne s’aperçoit pas et que l’on répugne à reconnaitre comme siens…comme la plupart des vices !!!