Aurait-on formé des générations d'ingénieurs, de médecins, de professeurs toutes disciplines confondues, d'avocats, de juges, de pharmaciens, de chercheurs, de techniciens supérieurs, de gestionnaires, d'économistes, d'instituteurs, de journalistes, de penseurs, d’écrivains…pour rien????Où sont-ils ???Où vivent-ils????Pourquoi on ne les entend pas????Pourquoi se taisent-ils??? N'ont-ils rien à dire????Sont-ce des citoyens???Sont-ils des diplômés illettrés, incapables de formuler une idée, d'avoir une opinion, de s'opposer à ce populisme idiot et crétin????
Craignent-ils à ce point les représailles de cet État fantoche???Eprouvent-ils le moindre respect envers eux-mêmes et envers le savoir qu'ils détiennent ????Toutes les élites du monde libre contribuent à l'émancipation de leur peuple sauf la nôtre d'élite: couarde, lâche, opportuniste et fainéante...pour ne pas dire corrompue....
Mais ils sont où????
Oui, ils sont où tous ces fiers-à-bras, ces fanfarons, ces matamores qui n'ont fait que contester tout et n'importe quoi depuis la révolution ???Pourquoi se sont-ils tus subitement, toute honte bue, alors que ça dégringole rapidement, que la chute est vertigineuse et que tout se dégrade à vue d'œil…
Il y a eu quelques repentirs pudiques, pas de quoi fouetter un chat, dont celui extravagant de Neji Jalloul, qui en arrive jusqu'à dénoncer le régime présidentiel dont il était jusque-là un supporter convaincu avant d'en être écœuré, oui, Jalloul, l'opportuniste, pense qu'en Tunisie un régime présidentiel est synonyme de dictature…Ah, le gus!!!Il n'arrêtera jamais de me surprendre le turlupin!!!
Bon, ne boudons pas notre plaisir de constater ces réveils tardifs et d'en espérer d'autres qui ne viendront probablement pas…
Néanmoins, il y a des taiseux plus compromis que l'illustre professeur, ceux-là, que l'on croyait naïvement démocrates et révolutionnaires semblent avoir perdu leurs voix: inaudibles, silencieux, discrets….au point où l'on pourrait penser qu'ils regrettent leurs vieilles passions à moins que ce silence ne s'apparente à de la lâcheté….On les a connus plus bavards….ça te tricotait dix statuts par jour….c'était une source inépuisable de polémique…mais soudainement …ils se sont dissipés….au moment où il fallait creuser des tranchées….
Déçus, les pauvres choux???? Aujourd'hui que nous sommes dans la mouise jusqu'au coup…le sont-ils moins???? Ahurissant…
Ce n'est pas une fatalité, ce n'est pas la faute à Voltaire….
Si nous en sommes là et que la paralysie semble être totale , c'est parce que nous nous sommes engouffrés allègrement depuis bientôt trente ans dans un tunnel aussi sombre que notre redoutable cynisme et aussi long que nos errements perpétuels….
Notre mal-être est profond car nous sommes convaincus d'être ce que nous ne sommes pas en réalité: un peuple intelligent, discipliné, dévoué à sa patrie, passionné par le travail, fasciné par le savoir et la connaissance, souverain et libre, droit et vertueux, exigeant et particulièrement intransigeant sur la question morale, honnête et incorruptible, soucieux du bien-être général et de son émancipation sociale et intellectuelle….
Si nous étions ce peuple-là, avec un surcroît d'efforts et d'ouverture d'esprit, nous serions une nation développée, une nation démocratique, une nation capable de s'extraire de la mouise actuelle et de faire face à tous les défis…Une nation qui ne se laisserait pas surprendre par la vague populiste et fasciste et qui serait intellectuellement armée pour repousser tous les bonimenteurs et tous les charlatans, tous les despotes et leurs fantassins.
Il n'y a que la culture, la bonne, qui sauve les peuples de l'anéantissement, car plus une nation est soumise à une politique d'abrutissement et d'abêtissement, plus elle subit le joug de la banalité et du conformisme, plus elle se console de ses propres tares, plus son déclin est inéluctable….
Il y a de ces suffisances coupables…celles des sots, en plus, sont incompréhensibles…