Ce qui devait être dit pour calmer les eaux un peu agitées de جبهة الخلاص a été dit avec clarté et fermeté...Je comprends qu'un front qui rassemble les opposants au putsch est traversé par plusieurs sensibilités politiques, que cette diversité peut créer des malaises et susciter des interrogations, je sais aussi qu'un réformateur fait souvent des choix moins tranchés qu'un radical, qu'un Néjib Chebbi par exemple n'a pas la même culture politique, la même perception des évènements, le même vocabulaire qu'un Habib Bouajila ou un Jaouhar Ben M'barek …
Il faut être naïf pour imaginer que deux générations politiques différentes puissent s'entendre sur tout, y compris la stratégie et les éléments de langage , la démarche et les outils à utiliser, néanmoins, la résistance à ce coup d'Etat constitutionnel doit faire prévaloir la raison, doit supporter les différences et doit surmonter les différends , d'autant plus que l'urgence, la priorité n'est pas de créer des dissensions, de les nourrir, de les alimenter afin d'affaiblir la résistance et de la diviser.
L'objectif est le même, l'atteindre suppose une grande union, un sens des responsabilités aigu, une maturité susceptible de vaincre les difficultés quand elles apparaissent et elles apparaîtront, c'est une épreuve de maturité pour nous tous, y compris pour ceux qui passent leur temps à jeter de l'huile sur le feu....
Affaiblir une résistance c'est incruster en elle la peur, le doute et la méfiance.
La peur s'installe quand les plus lâches renoncent à la lutte de crainte de perdre leur liberté , qui en réalité n'en est pas une, car elle se confond avec leur désir de conserver leur confort…
Le doute n'est pas associé à la résistance mais à la lassitude qu'entraîne inévitablement un combat qui se prolonge et dont on ignore l'issue…
Enfin, la méfiance, celle-ci est souvent proportionnelle au doute qui gagne l'esprit des résistants, plus il est tenace, plus les forces s'effritent et plus les malentendus augmentent. Une résistance, pour être forte et inébranlable, doit écarter les intrus et les opportunistes, les sots et les poltrons, les pessimistes et les sceptiques, ceux-là ne défendent pas un idéal commun, ceux-là sont le talon d'Achille de toute résistance. Plus ils sont nombreux, plus la résistance se désagrège.
De la théorie à la pratique...le long chemin de Damas…
En réalité c'est un chemin de croix où se mêlent des dévots, des conspirateurs, des imposteurs, des bonimenteurs, des idéalistes, des utopistes…Ce chemin est semé d'embûches et nécessite de la patience , de la persévérance et de l'énergie pour être parcouru ....
Ce qui nous interpelle ici ce sont ces petites nuances qui nous permettent de discerner et de reconnaître le vrai du faux.
Depuis janvier 2011, nous n'avons eu de cesse d'avertir que la bataille pour la démocratie sera longue, harassante et épuisante, que le système oligarchique et mafieux tunisien et ses nombreux relais n'ont pas été abattus et qu’ils continueront à gouverner , que les libertés conquises au prix du sang peuvent être confisquées dès lors que le système aura phagocyté la transition démocratique en veillant à ce que celle-ci soit en permanence avilie et diabolisée.
Nous avons mis en garde contre les intrus, les infiltrés, les faux démocrates, les fachos en embuscade, nous avons dit et redit que la démocratie s'apprend, certes, s'exerce, mais qu'elle a besoin d'outils, d'instruments, de règles, de mesures coercitives , de rigueur, de sanctions pour empêcher ses ennemis de la mettre en péril.
Avons-nous été entendus???Non, car ce qui a supplanté la théorie, ce sont les pratiques politiciennes fondées sur les compromissions, les petites vengeances personnelles, les déceptions, les frustrations des aigris, les vieilles rancunes et querelles héritées des années de la dictature, l'absence de valeurs démocratiques fortes qui mobilisent les jeunes , encore fragiles et manipulables, autour de l'idéal démocratique.
Une démocratie se construit et pour résister aux assauts fascistes, elle a besoin de personnes qui croient en ses vertus et qui ont foi en elle.
Moins ils sont nombreux, plus les risques de mort subite de l'idéal démocratique augmentent .Raison de plus quand il faut l'enraciner dans un pays longtemps soumis à toutes les formes de tyrannie et dont la population est majoritairement rétive à la démocratie parce que majoritairement analphabète…au sens large du terme.