Il est possible que le Président de la République ait été contaminé par le virus de l’Etat-Parti, si cher aux affidés de la dictature, à leurs courtisans et aux camarades staliniens et bolchéviks.
Il se peut qu’il en soit porteur sain et que quand l’occasion s’y prête, le virus inoculé à l’école bourguibienne réapparait avec une virulence inouïe.
Les deux hypothèses sont tout à fait plausibles si bien que je n’en exclus aucune !
On ne retiendra pas grand-chose de cette allocution télévisée tant elle était monotone, claudicante, sans éclat ni solennité, parfaitement en assonance avec la culture politique du patriarche et en rupture totale avec les attentes, les expectatives d’un peuple tunisien meurtri dans sa chair par le dernier attentat terroriste, déprimé par une crise socio-économique de plus en plus insupportable et sceptique quant à une issue salutaire à toutes ses crises qui s’amoncellent et obstruent l’horizon politique sans qu’aucune volonté de changement d’orientation et de perspectives n’émerge dans ce quotidien sinistre et morose.
Il semble que le Président de la République ait d’autres préoccupations situées aux antipodes de celles du peuple Tunisien.
Confronté à une crise sans précédent au sein du parti dont il est le fondateur et faisant fi de la Constitution qui stipule dans son article 75 que « Le Président de la République ne peut cumuler ses fonctions avec toute responsabilité partisane. » , Monsieur Béji Caïd Essebsi renoue avec son passé destourien et ses réflexes de parangon du parti unique pour consacrer les 2/3 de son intervention aux conflits en cours au sein de Nidaa Tounès et proposer son arbitrage afin de circonscrire les effets, néfastes selon lui, de ces luttes intestines sur la gouvernance du pays.
Or, les difficultés actuelles de Nidaa Tounès ne concernent pas les citoyens tunisiens et à plus forte raison le Président de la République, dont le discours partisan a choqué la plupart des Tunisiens au moment où terrorisme, négligences sécuritaires, lacunes gouvernementales nécessitaient beaucoup plus qu’un discours, mais des actions décisives et déterminées dont la présidence actuelle semble incapable.
L’impression est que le Président était hier plus dans la litote que dans l’hyperbole et que son message ciblait directement Mohsen Marzouk, responsable selon lui, parce que trop ambitieux et trop pressé, de la cabale en cours à Nidaa Tounès et dont les jours sont comptés à la tête de ce parti.
L’entorse faite à la Constitution semble corroborer le désir du Président de sortir de sa neutralité et de remettre les pendules à l’heure, quitte à froisser « les plus éradicateurs » parmi son électorat.
Rappelant que Nidaa Tounès n’a pas été fondé pour nourrir quelque hostilité envers Ennahdha ou servir de base arrière à ceux qui estiment que le consensus actuel doit voler en éclats au profit d’un rapprochement avec la Jebha ou l’extrême-gauche tunisienne, Béji Caïd Essebsi cherche à apaiser les craintes ou les suspicions qui peuvent naitre dans les rangs d’Ennahdha et susciter ainsi des méfiance de nature à affaiblir davantage le gouvernement Essid.
L’allocution doit être interprétée aussi dans ce sens d’autant plus que Mohsen Marzouk, réagissant aujourd’hui à l’intervention de Béji Caïd Essebsi et usant de la litote comme son mentor, menace de « tout déballer » et annonce des résolutions « douloureuses » à même de lever les ambigüités actuelles et de précipiter la scission au sein du parti dont il est encore, mais jusqu’à quand, le secrétaire général.
Les propos de Marzouk, ne favorisent guère l’accalmie souhaitée par le Président, bien au contraire, ils accentuent les divergences et approfondissent les dissensions.