L'enseignant est condamné à avoir cette double casquette pour peu qu'il les porte toutes les deux convenablement, avec rigueur et équilibre sans que l'une supplante l'autre....
C'est un exercice périlleux en ce sens que l'apport de l'enseignant doit être d'abord cognitif et accessoirement moral ...Sa tâche première ne consiste pas à éduquer mais à inculquer efficacement et sereinement les connaissances qui relèvent de sa discipline....
Ce n'est qu'en filigrane, d'une manière sous-jacente et discrète qu'intervient sa fonction d'éducateur qui ne doit pas être conçue comme un exercice d'autorité brutale qui piétine la personnalité de l'apprenant et le transforme en victime expiatoire de l'humeur de l'enseignant, non, transmettre des valeurs saines nécessite que la conduite de l'enseignant soit exemplaire, qu'elle incarne ces valeurs et que leur transmission se fasse avec intelligence, finesse et délicatesse, sans froisser l'autonomie de l'apprenant et sans le rapetisser par des propos désobligeants et à caractère vexatoire....
L'école, le collège, le lycée et l'université ne sont pas de grands enclos d'élevage de bétail où les jeunes attendent des séances intensives d'entraînement moral, non, c'est le lieu de prédilection où ils vont être dotés d'outils cognitifs, de capacités, de compétences qui au fur et à mesure de leur apprentissage vont leur permettre de devenir des citoyens autonomes…
C'est la raison pour laquelle connaissances et comportements doivent être séparés...Un bon élève ou étudiant peut avoir un mauvais comportement, il peut être indiscipliné…mais cela ne doit pas affecter le jugement de l'enseignant au point que le jugement moral surplombe le jugement ou l'évaluation strictement scientifique, cognitive, intellectuelle qui doit être dépourvu de l'a priori moral....
Celui-ci peut aboutir à des frictions inutiles et dangereuses…car l'évaluation ne porte pas sur la conduite ou le comportement de l'apprenant mais …c'est une évaluation du mérite tout à fait indépendante de l'opinion de l'enseignant inhérente au caractère de l'apprenant…
Alors que l'effondrement des connaissances et compétences de base est dramatique et constant, toutes les énergies et l'ingéniosité des professionnels de la pédagogie visent à donner des leçons homogénéisées sur la façon d'être de bons sujets dociles et obéissants. Et bien sûr, le problème ne réside jamais dans le contenu proposé – qui pourrait parfois être argumenté sous des formes intelligentes – mais dans la méthode.
Le citoyen doit être formé avec autonomie, capacité à manipuler des outils culturels et cognitifs qui le rendent capable d'un jugement indépendant.
Le sujet doit être formé pour reconnaître les sources d'autorité et les limites de ce qui ne peut être discuté mais seulement reçu.
Le citoyen reçoit des contenus, des compétences, des connaissances, qu'il pourra utiliser au mieux.
Le citoyen se voit donner des outils pour grandir tout seul (connaissances), le sujet doit sourire à son patron sans l'embarrasser (soft skills).
L'art tout l'art est de concevoir une pédagogie qui consolide l'autonomie cognitive et intellectuelle de l'apprenant, l'enrichit quotidiennement, la développe progressivement…avec ce souci permanent de l'extraire de tout environnement médiocre et nocif propice à l'ignorance, à l'apathie, à la paresse intellectuelle et aux comportements déviants.