Chacun comme il peut

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D’un pas alerte Hassène se précipite vers les chariots soigneusement alignés prés de l’entrée de la grande surface. Il introduit une pièce d’un dinar et arrache le premier d’une longue file.

Il s’exécute au contrôle des entrées en mettant son téléphone et ses clés dans un petit panier et passe sous un portique électronique.

Connaissant le magasin, il se dirige droit vers la zone des boissons et prend un pack d’eau minérale et un autre de lait. Ensuite il s’arrête devant le rayon des limonades et jus, hésite un instant puis dépose dans son caddy deux sortes de jus de fruits et un coca light…avec cette chaleur il faut diversifier les boissons afin de boire le maximum de liquides.

Juste en face il s’arrête devant le rayon boucherie et attend son tour. Quand le boucher est enfin disponible, il lui demande un jeune gigot et quelques steaks, insistant pour les nettoyer de tout gras. Il avance ensuite vers le rayon poissonnerie, examinât la fraicheur de l’étal, puis se décidât pour deux belles soles et quelques crevettes.

Son passage devant le compartiment des produits laitiers a été rapide. Connaissant parfaitement ce qu’il préfère, il jeta son dévolu sur un fromage français en faisant une grimace à la lecture du prix affiché. Des yaourts à différents arômes clôturent son passage à ce rayon.

Au rayon des fruits et légumes, il se contentât de quelques bananes, une demi-douzaine de Kiwi et un régime de succulentes dattes. Pour les légumes il préfère de loin les prendre de chez son maraîcher qui lui livre des produits frais et bios, disait-il à la préposée au pesage de ses acquisitions.

Il continue sa tournée en passant par tous les rayons où il examine les produits, lit les étiquettes, compare les articles de même nature, rapporte le prix au poids, dépose l’article dans son chariot ou le remet au rayonnage selon ses tests ou coups de cœur…

Une heure après, son caddy était plus que plein. Il y avait mis de tout… et surtout de ce qu’il aime. Un dernier coup d’œil pour s’assurer que ses produits fétiches sont bien parmi ses butins : des tranches de saumon, quatre tablettes de bon chocolat, deux paquets de biscuits importés et une énorme boite de Nutella.
Un dernier tour pour s’assurer qu’il n’a rien oublié et jeter un coup d’œil sur les promotions de la semaine.

Il passe enfin au rayon des produits de terrasse et jardin situé au fond du magasin. C’est un espace souvent déserté par une clientèle plus soucieuse de son ventre en cette fin d’après midi. Il s’assure qu’il est seul puis, tout en faisant semblant d’examiner des pots, il s’éloigne de son chariot. Petit à petit il change de rayon sans s’encombrer de ses courses. Lentement il se retrouve devant les caisses et prend l’allée réservée à ceux qui n’ont rien acheté. D’un pas tranquille il quitte la grande surface et sa fraicheur pour retrouver la station des bus jaunes qu’il déteste tant…

Le bus va le ramener à son quartier où en colocataire, il occupe une chambre triste et dépouillée. C’est là qu’il va se contenter du partage d’une Ojja, agrémentée de merguez, ou d’un plat de pate aux ailes et cous de volailles.
Il est content d’avoir réalisé son bain de jouvence hebdomadaire : acheter tout ce qu’il a désiré ou lui ont fait désirer. Peu importe s’il ne rentre pas avec ces articles qui lui auraient coûté plus que les deux tiers de son salaire de chaouch dans cette grande administration.

Il goûte à ce plaisir de riche : cueillir dans les rayonnages tout ce qu’on désire en se permettant de choisir le meilleur, mettre dans un caddy et le pousser dans cet immense océan d’opulence. C’est son plaisir solitaire auquel il s’adonne chaque fois qu’il rentre un peu tôt de son travail. C’est sa manière d’apaiser ses violentes envies, c’est sa thérapie.

Et ça ne lui coûte qu’un dinar.

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