La rue Ali Bey de Mahdia doit être la plus ancienne artère de la ville, c’est que son tracé est établi entre deux monuments phares de la ville : la Skifa et la Grande Mosquée.
Elle ne dépasse guère les deux cent mètres et n’est qu’une longue enfilade de petites échoppes dédiées principalement à l’artisanat, au commerce et aux services.
Elle débute, de son coté Skifa, par un saint patron Sidi Khelil à droite et une ancienne banque à sa gauche. C’était une banque privée de la famille Ben Romdhane avant que celle-ci ne connaisse les vicissitudes de la vie avec des péripéties dignes des sagas des grandes dynasties.
Adossés au mur de Sidi Khelil, les deux ou trois seuls laitiers de la ville exposaient une dizaine de bouteilles de différentes formes et couleurs. C’est que le lait était un produit rare et on s’inquiétait auprès de celui qui en achète en lui demandant s’il avait un malade ou une Nafça (femme en couches)…
En y avançant on rencontrait toutes les composantes essentielles d’une véritable médina :
- Un fondouk qui accueillait les visiteurs et leurs bêtes de montures,
- Deux hammams dont l’un date de plus de deux siècles,
- Toutes sortes d’officines : notaires, coiffeurs, un forgeron, des bijoutiers juifs,
-Un vendeur Maltais de vin et spiritueux (!!!), des drapiers, un couturier, un vendeur de pain de glace…
- La place de l’ancien marché qui, tout en abritant une mosquée, était le carrefour des autres religions puisqu’y débouchent les rues qui mènent à l’église et à la synagogue.
La plupart de ces commerçants et artisans avaient des canaries et des Chardonnerets. Les pots de basilic et de menthe étaient une autre institution qu’ils se devaient de respecter. L’après midi d’été un rituel s’imposait : on arrose par petits jets de la main devant sa boutique, on sort les pots et on accroche les cages…
C’est cette ambiance que j’ai furtivement connu en traversant cette rue pour aller à l’école.
Mais aujourd’hui tout a disparu ou presque. Ne restent que les Hammams. Le fondouk a été transformé en un horrible « souk d’artisanat ». Les pains de glace ont fondu et les juifs et maltais ont déserté ces terres.
Toutes ces boutiques si simples et si dénuées ont été transformées en bijouteries, ou en de hideuses boutiques d’un artisanat laid et intrus. Les premières, richement décorées, gardent leurs portes fermées pour préserver la fraicheur de leurs clims et la discrétion de leurs transactions alors que les secondes ne cessent de faire du racolage aux rares touristes qui osent s’aventurer en dehors de leurs hôtels.
Aujourd’hui, la rue semble perdre son âme et en la traversant on ne peut que remémorer les boutiques, les personnages et les histoires qui ont peuplé cette rue d’amarrage de la grande Mosquée à la Skifa…
Mais au détour d’une des nombreuses ruelles qui débouchent sur cette voie, il y’a un personnage qui a pris le maquis depuis fort longtemps pour résister à cette invasion.
(À suivre 2ème Partie) …