Le changement des billets de banque en circulation est devenu un sujet très débattu sans qu’on aille au fond des choses. L’objectif avancé est la lutte contre l’économie parallèle et le soulagement des liquidités des banques. J’évoquerai une autre fois le montant en surplus que les banques peuvent récupérer, mais je voudrais parler d’autres difficultés qui rendent cette opération très lourde.
D’aucun insistent sur la rapidité et la brièveté de cette opération pour « surprendre les contrebandiers et les obliger à se rabattre sur les banques et ainsi se dévoiler ». Or ceci relève d’une ignorance de la complexité du processus :
1) Le montant de 9,5 Milliards de dinars (Md) de billets en circulations (en comptant que les pièces représentent 5% de la masse de la monnaie en circulation) exige l’impression de 13,5 à 14 Md puisqu’il faut disposer d’au moins 30 % de billets auprès de la BCT. L’opération est d’autant plus couteuse qu’il y a au moins cinq différentes coupures à produire : 5, 10, 20, 30 et 50 dinars.
2) Les délais : certains experts insistent sur la brièveté de l’opération qui, pour certains ne doit pas durer plus de 3 à 12 mois, ce qui est une aberration. Si on tient compte des délais de conception, négociation, impression et mise à disposition cette période ne peut être inférieure à 1,5 an au minimum. Les délais de reconversion dans les banques est encore plus long. Il ne faut pas oublier qu’on doit reconvertir une masse de 9,5 Md et matériellement ça ne peut être en moins de deux ans ni pour les agences, ni pour les sièges ni pour la BCT. La reconversion va toucher ceux qui ont des centaines de milliers de dinars mais surtout et ils seront les plus nombreux, ceux qui ramènent des montants de 10 ou 40 dinars.
3) En plus il faut compter sur un aspect légal, les billets doivent garder un cours légal même après leurs retraits. De quel droit peut-on confisquer l’épargne d’un tunisien résident à l’étranger qui a laissé quelques billets chez lui en Tunisie, pour son retour au pays ?
4) Si un citoyen se présente à la BCT pour changer des billets, peut-elle le lui refuser? Dans ce cas où va-t-il ouvrir un compte ?
Ainsi cette opération, si on veut opérer une reconversion de la totalité des billets en circulation, ne peut être menée à terme en moins de 3 à 4 ans.
Pour ce qui est du coût ou plutôt des pertes, je peux vous certifier que la BCT et le Trésor seront gagnants. En effet il y aura toujours une partie non reconvertie (perte, oubli, destruction..) et donc non réclamée et ça sera du bénéfice. Cette partie n’est pas négligeable et peut couvrir une bonne partie des coûts.