Khaddouja & Set El Kol (2) (suite et fin)

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Khaddouja tire la semoule qu’elle a préparée la veille en veillant à ce que les grains aient le calibre et la consistance adéquats. Elle remplit la Nhaça, un grand récipient en cuivre récemment émaillé, d’eau de pluie tirée du Majel. D’un ton didactique elle s’adresse à sa belle-fille pour insister sur la qualité et l’origine de l’eau, sinon « notre Assida aura une couleur fade et triste ».

D’une main experte, elle ajouta un peu de sel et versa la quantité suffisante de semoule en veillant à touiller avec son Medlek, cette spatule en bois d’olivier qu’elle réserve exclusivement à ce plat.

Le début est une période de surveillance où le souci est d’éviter la formation de grumeaux. Peu à peu la pâte devient de plus en plus épaisse et difficile à travailler. Khaddouja coince sa marmite grâce à une grosse branche en bois en forme d’un Y, posée par terre sur lequelle elle pose un pied ferme. La pâte devient de plus en plus homogène, onctueuse et surtout lisse.

Khaddouja accélère ses mouvements et donne quelques coups de fouet rapide pour éliminer encore de l’eau… Quand toute l’eau a été absorbée par la semoule puis évaporée, et au bon moment qu’elle seule puisse saisir, elle jette un gros morceau de beurre salé et veille à ce qu’il déteigne une couleur légèrement dorée à la pâte.

Skila la regarde avec admiration et respect. Elle doit tout retenir pour assurer la relève et perpétuer ces traditions séculaires.

Après un moment de dur labeur, elle enlève la Nhaça de dessus le feu et la laisse reposer un court moment. Mais pas de répit, il faut dresser l’Assida tant qu’elle est chaude sinon elle risque de durcir. Skila a déjà préparé un grand et beau plat en terre cuite jaune et vert. Elle a apporté dans son Zhez de jeune mariée, toute une batterie de cette vaisselle qu’elle réserve aux grandes occasions.

Khaddouja verse l’Assida dans ce plat et, tout en mouillant, sa main d’huile et d’eau, elle la dresse en veillant à en faire un dôme surmonté d’un joli cratère.

Skila remplit ce cratère de miel que son mari est allé chercher il y’a un mois du côté des monts de Zaghouan. Une grosse rasade d’huile d’olive est versée sur les flancs du dôme. Ce liquide donne un aspect brillant à la pâte et ajoute un attrait gustatif à la préparation.

Khaddouja et Skila couvrent le plat d’une légère couverture en toile et se pressent d’aller se changer.

Quelques minutes après, les enfants se réveillent et viennent se blottir contre la grand-mère qui ne se fait jamais avare de câlins, leur papa sort de sa chambre, frais comme un jeune marié et vient déposer une bise sur le front de sa maman en lui souhaitant de très belles choses.

C’est à ce moment que si M’hamed débarque de sa mosquée avec un gros régime de dattes. Son large sourire exprime son bonheur de retrouver sa famille. Skila rayonnante de bonheur invite son monde à venir butiner ce plat aussi rudimentaire que convivial.

Elle ne manque pas de jeter une poignée de Bkhour dans le kanoun encore vivace en souhaitant revivre longtemps ces moments de pur bonheur.

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