La polémique qui enfle sur le fait que le ministère de l’agriculture ne peut être attribué qu’à une personne du même domaine est un non sens. Tout ministère peut être dirigé par une personnalité qui n’est pas de son ressort de compétence.
C’est le charme de la politique. Et son mystère aussi. On peut d’ailleurs pousser jusqu’à la caricature et soutenir que l’agriculture peut être dirigé par un astronaute ou un marin, la culture par un pénitencier, l’intérieur par un musicien ou un poète, la santé par un alcoolique invétéré, etc. Pour peu que ceux qui en sont titulaires disposent d’un sens politique, ils peuvent faire des étincelles, voire des merveilles.
Les exemples dans le monde foisonnent. Et puisqu’on adore tirer des comparaisons avec la France (quand ça nous sert), on y puise des exemples décapants (Bérégovoy tour à tour ministre du budget, des finances et premier ministre de Mitterrand était un ajusteur, Monory ministre de l’éducation sous Chirac n’avait pas son bac, etc.)
C'est ainsi que lorsque Samir Bettaïeb soutient que pour un diriger un ministère technique tel que celui de l’agriculture, il faut tout d’abord être un ministre «politique », il a raison.
Mais pour son cas précis, c’est là que le bât blesse.
Secrétaire général d'un parti, qui lors des législatives de 2014, a essuyé une cuisante défaite électorale, jusqu’à disparaître complètement des radars et des sièges de l’ARP, il peut toujours prétendre à cette flatteuse étiquette dans une classe politique qui ressemble désormais comme une goutte d’eau à celle qui dirige notre football. Le talent polémiste en plus, les résultats tangibles en moins…
Mais le peut-il, décemment, dès lors qu’il s’est fait sévèrement battre dans une circonscription (Tunis 2) où la sociologie électorale lui donnait toutes les garanties pour échapper à la déroute ? Et qui plus est, dans un scrutin proportionnel "aux plus forts restes", lequel mécanisme, permet de laisser passer entre les gouttes, les moins bons ? Est-ce cela un « politique » ? Lui qui devrait accomplir tranquillement sa traversée du désert du fait de son double échec électoral, mettre de l’ordre dans ses idées et le cas échéant, dans celles du Massar, il s’ébroue à faire partie d’un gouvernement dont il dénonçait il y a, à peine trois semaines, la manière expéditive qui a présidé à la désignation de son nouveau chef…
C’est toute l’illustration de l'une des nombreuses contradictions de ce nouveau gouvernement Chahed, que d'être confié à un membre de Nida au motif que ce parti a remporté les législatives mais qui comporte en son sein un illustre battu à cette même élection.
Ainsi qu'un vrai défi aux lois de la physique politique que sa nomination à la tête du ministère de l’agriculture…