L'audition hier du Gouverneur de la BCT en commission des finances à l'ARP (telle que mise en ligne par Bawsala) en sa qualité de président de la CTAF a fait ressortir plusieurs éléments qui constituent autant d'illustrations des dysfonctionnements actuels de nos institutions que de scandales d'Etat répétés. Il s'avère donc que chronologiquement :
- La CTAF (commission tunisienne des analyses financières) tout comme la BCT, ont depuis 2015, régulièrement sollicité et attiré l'attention des gouvernements successifs par 50 à 60 courriers (soit une moyenne de 2 par mois depuis la saisine du GAFI) les mettant en garde contre le risque hautement probable de voir la Tunisie classée dans des listes peu recommandables, voire, carrément infamantes (paradis fiscal, blanchiment d'argent, financement du terrorisme, etc.),
- Pour prévenir ces risques, l'actuel gouvernement d'union nationale, a tenu son premier conseil des ministres à cet effet ... le 3 novembre 2017, soit un peu plus de 24 mois après les premières conclusions communiquées aux autorités Tunisiennes par le GAFI, presque 15 mois après son investiture par l'ARP, et tout juste un an après "l'éclatante" conférence internationale sur l'investissement "Tunisia 2020".
- Le 7 février courant, le vote de 300 députés d'un parlement étranger (représentatifs de toutes les mouvances droitières en Europe) a suffi pour conduire le Chef de notre gouvernement à sacrifier promptement sur l'autel de la subordination à des institutions supra-nationales (qui n'en demandaient pas tant) le premier responsable du secteur financier du pays et ce, à ... 5 mois de l'extinction de son mandat,
- Dès le déclenchement de ce scandale et afin de s'exonérer de sa responsabilité, l'actuel chef du gouvernement (plus chef de clan que de gouvernement durant toute cette affaire) sous la pression "d'experts" plus connus sur Facebook que sur l'échiquier international ou même régional de la finance, et à l'instigation ainsi que de concert avec le président de la république, a délibérément jeté en pâture le Gouverneur de la BCT, en demandant sa révocation constitutionnelle au moyen d'un vote par l'ARP.
- Par la suite, plusieurs membres du gouvernement, notamment, son porte-parole et le secrétaire d'Etat au commerce, sont sortis pour défendre leur Chef en affirmant publiquement, haut et fort, que celui-ci n'était pas au courant de toutes ces mises en gardes.
- Pendant le même temps, des médias publics dépendants et totalement inféodés au gouvernement, au lieu d'éclairer l'opinion sur les véritables faits qui se sont produits, se sont employés à traîner dans la boue un homme âgé de 85 ans, qui n'a rien demandé lorsqu'on est venu le chercher, il y a de cela presque 6 ans, et que l'on avait plutôt supplié d'accepter cette charge pour "rendre service à la patrie".
- La révélation soudaine de la totale impréparation et improvisation de cette dyarchie à la tête de notre Etat, mesurant le risque élevé de ne pas pouvoir obtenir une majorité suffisante pour cette révocation maladroitement planifiée (suite à la défection attendue de quasiment tous les députés Machrou, Afek, UPL, ainsi que d'une bonne partie de ceux d'Ennahdha et même Nidaa, le tout conjuguée à l'habituelle contribution passive des éternels absents) l'a poussé à faire pression sur le Gouverneur de la BCT afin d'obtenir sa démission sur le fil du rasoir et s'épargner ainsi un retentissant affront en séance plénière qui aurait tourné à la déconfiture et normalement au départ d'un Chef du gouvernement publiquement désavoué.
- La surprenante démission du Gouverneur de la BCT prive ainsi l'opinion publique d'un véritable débat de fond sur les tenants et aboutissants de toute cette affaire.
- Et en point d’orgue à toute cette pantalonnade, le dernier mot est revenu comme un boomerang au Chef du gouvernement (apparu blême et livide lors de son allocution d'hier soir) et dont le piteux virage force l'admiration : "il convient de saluer les efforts déployés par Ayari durant son mandat à la tête de la BCT".
Une lumineuse explication de toute cette affaire qu'il convient de savourer à sa juste valeur…